Lecture d’attente

 

Patients, des revues périmées vous attendent en salle d’attente. Si elles vous font patienter, elles ne comblent pas vos attentes ; ou alors, il faut vous faire soigner.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Zieutez bien : la table basse du toubib regorge de feuilles de chou qui semblent avoir été là de toute éternité. Si quiconque les a lues à la date de parution, qu’il se signale.

Double foutage de gueule : le patient ne mérite pas mieux que ce caca d’imprimerie, il ne va pas en plus l’exiger du jour. Pour meubler d’interminables quarts d’heure ? A quoi bon.
Sûrement une clause méconnue du serment d’Hippocrate. Si l’homme de science croit vous mettre dans de bonnes dispositions avec du people obsolète, il se fourre le doigt dans le globe oculaire.

 

Certes, le corps médical a autre chose à faire que de pourvoir quotidiennement en nouvelles fraîches des têtes à claques couronnées. Le cabinet n’est pas un kiosque ? Autant ne rien proposer du tout, à plus forte raison sur les deniers de vos consultations.

 

Une lueur d’humanité pousse parfois à acheter des BD aux bambins. Pourquoi jamais de livres de poche aux aînés ? C’est ignorer les vertus thérapeutiques de Camus ou de La Fontaine. Le loup et le chien estompe vos quintes de toux. La peste et le choléra bat en retraite.
Klepto comme vous l’êtes, vous seriez tenté de repartir avec. Un détecteur de chef-d’œuvres à la sortie et le docteur peut dormir sur ses deux oreilles (celles qui lui servent à ne pas écouter).

lecture2Chez le coiffeur, même littérature. Circonstance atténuante : le bruit du sèche-cheveux, de la TSF et des propos zineptes réunis empêche la concentration nécessaire à la lecture.
Quitte à n’apprécier que les images, réclamez des bouquins sur la peinture ou les arts premiers.

Merci de votre attention.

 

Délivrer

 

Délivrer, l’inverse de livrer ? Vous délirez. Ne me dites pas que dé- serait privatif comme ceux de débarrasser ou de dépêcher ! D’ailleurs le fait qu’on ait formé délivrance (et non son corollaire « livrance ») plaide pour un verbe d’un seul tenant, pensez pas ? Epineuse question. Dépêchons-nous de nous en débarrasser.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Délivrer peut s’entendre de deux manières : celle, bien connue des super-héros, au moment de venir sauver quelqu’un des griffes de quelqu’un d’autre ; celle, bien connue des facteurs (costume différent) qui « délivrent le courrier ».

 

Quiconque a vécu en 1050 se souvient de l’adjectif delivre, « libéré (de) ».
Ah, on le subodorait depuis le début, il y a de la libération là-dessous. Deliberare, en latin d’Eglise, vient en effet du transparent liberare, en latin normal. Comme quoi les curetons ne sont jamais les derniers de- qu’il s’agit d’en rajouter une couche.

Parenthèse : ce deliberare aurait-il pas donné délibérer et, dans ce cas, quel rapport avec notre délivrer ? Aucun, messeigneurs : si délibérer signifie peu ou prou « prendre une décision en pesant le pour et le contre », c’est qu’il vient de librare (« peser, soupeser »), construit sur le substantif libra (anciennement libera), la « balance ». Une livre d’infos comme celle-là et on peut s’égayer tout un week-end.

 

Mais revenons à libre.
Coquins comme nous sommes, on en avait bricolé vers 1200 une première version, l’adjectif liure. On pige mieux maintenant le v de délivrer, n’est-il vrai ?
Libre a été intégralement pompé sur liber (latin, latin chéri), qui lui-même descend d’un ancêtre indo-européen commun, leudh-, littéralement « s’élever, grandir ». Et, au terme d’obscures circonvolutions, « peuple » en tant qu’assemblée d’hommes libres. Le Leute allemand lui doit une fière chandelle, au passage.

 

Mais l’heure tourne et on n’a toujours délivré aucun « courrier », avec ça.
Sens figuré remplaçable par « remettre », ce que certains expliquent en faisant l’analogie avec la remise des prisonniers délivrés.
Aux zautorités compétentes et contre signature, ça va de soi.

Merci de votre attention.