Toboggan

 

Que ceux qui ne se sont jamais usé les fémurs à prendre à rebours un toboggan se signalent à l’entrée du parc. L’accès n’étant autorisé qu’aux enfants, attendez-vous à ce qu’on vous évacue. Par la peau du même nom.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ornithorynque des bacs à sable, toboggan est si improbable qu’on ne l’imagine pas porter un autre nom. Même le rythme du mot rappelle celui de la glissade : descente avec bosse à mi-parcours puis réception (ou gamelle en cas de mauvaise poussée initiale).

Sans rire, ces deux g, ça doit être un nom inventé, non ? Moins ridicule que Ziggy Stardust mais quand même.

 

Au risque d’en décevoir certains, ils n’ont pas toujours été là. Ainsi, au XIXe, le tabagane du Canada (tapi au fond des bois) est encore un

traîneau sans patins, fait de planches recourbées à l’avant.

Autant dire une luge. Ou un bobsleigh, pour les moins regardants.

Et bientôt la piste elle-même,

aménagée dans les terrains de jeu, les parcs d’attractions et sur laquelle on se déplace dans un wagonnet ou on glisse sur les fesses.

 

Mais le mystère du toboggan demeure. Marque déposée ? C’est oublier que le tabagane première manière a de faux airs de tomahawk.

Faut dire que la trajectoire du thapaken des Algonquins a légèrement dévié chez les Français et les Britanniques qui se trouvaient là. En trois temps : tobogintobaugan → toboggan. Pourvu que la dernière orthographe tienne le coup, maintenant qu’on s’y est fait.

Quant à thapaken, vu son aspect rudimentaire et l’état des routes à l’époque, la probabilité n’est pas nulle qu’il s’agisse d’une déformation locale de tape-cul.

Merci de votre attention.

 

A vos marques, prêts, feu, partez

 

Avant de mesurer votre pointe de vitesse jusqu’au mur ou au poteau là-bas, sachez, pauvres fous, que l’énoncé « A vos marques, prêts, feu, partez » vous disqualifie pire qu’un faux départ.

Mais revenons à nos moutons, moutards.

♦  Déjà, le vouvoiement prête à rire. La plupart du temps en effet, le copain court tout seul pendant que vous tenez le chronomètre. Comme on vous voit toujours fourrés ensemble, tout porte à croire qu’une certaine familiarité vous lie, favorable au tutoiement plutôt qu’à ce « partez » qui ne rime à rien. On soupçonne ici un usage figé de la 2e personne du pluriel.
Admirez le type d’aberrations grammaticales nées de vos inconséquences :

Allez tais-toi va

 

♦  Puisqu’on en est à accorder en genre et en nombre, si le sprint se déroule entre filles, pourquoi « prêts » reste-t-il invariable ? Les garçons du sexe masculin courent notoirement plus vite, c’est physiologiquement établi mais quand même, ‘peu de respect.

 

♦  Ensuite, n’oubliez pas que tout ceci est informel. Si « à vos marques » invite les athlètes à rejoindre leur poste sur la piste, l’appel s’avérera totalement superflu en pleine rue et en l’absence de tout starting-block homologué. De toute manière, la demi-portion qui s’apprête à s’élancer est déjà en position : à quoi bon forcer le trait ?

 

♦  Quant à l’ultime sommation, sauf à disposer d’un pistolet pour donner le départ, par pitié, pas de « feu » qui tienne. Même chez les professionnels, la détonation ne provient plus d’une arme mais se déclenche électroniquement.
En sus d’être obsolète, l’injonction est redondante. Si à « prêt », le petit camarade a déjà levé le genou, qu’est-il censé faire à « feu », je vous le demande ? Se crisper un peu plus et perdre ses moyens, c’est ça que vous voulez ?

A l’introduction d’une mêlée au rugby, l’arbitre déclame d’ailleurs un quatrain similaire : « crouch, touch, pause, engage ! » (devenu depuis « crouch, touch, set ! », ce qui au passage perd terriblement de son charme). Habile dramaturgie dont le seul intérêt est là encore l’épilogue – le signal pour lâcher les clebs.

 

Lardons, de grâce, mettez-vous en train dans les règles de l’art et uniquement au son de

Prêt(e)(s), vraiment prêt(e)(s), vraiment vraiment prêt(e)(s), pars (partez).

Merci de votre attention.