Nager mais pourquoi faire ?

 

Un jour, il faudra qu’on nous explique le but de la natation. Que cherche-t-on dans l’eau que la terre ferme n’offre pas ? Crawl, brasse, papillon, on a beau varier les plaisirs, la finalité nous échappe.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Encore que dans le cas des nageurs professionnels, tout doive aller le plus vite possible, comme à la course à pied. Sachant que tous se tiennent en une poignée de centièmes qui se perdent au départ, il suffirait de juger l’arrivée de suite après le plongeon pour être fixé. Ce qui épargnerait des longueurs à tout le monde.

nagerCar pour les taillés en V comme pour nous, les taillés en I, la plupart du temps, c’est en bassin que ça se passe. Nager dans la mer, plus personne ne s’y aventure. A part ceux qui n’ont pas su pour l’invention du bateau.

Or, qu’est-ce qu’une piscine ? Un lieu où l’on pratique la nage d’appartement mais collectivement, dans le chlore et le bruit. On ressort de là lessivé, avec des verrues plantaires pour peu que le sort s’acharne.
Au moins, ça donne du boulot aux maîtres nageurs et aux dermatos.

 

Quand le sens commun donne sa langue au chat, la psychanalyse prend le relais.

Et si on nageait tout simplement pour retrouver notre sérénité amniotique perdue ? Allons bon. On ne sache pas que le fœtus s’ébroue dans son liquide ; il se contente d’y flotter, sans rien glander.

A moins qu’il ne faille remonter plus loin encore, du temps où nous étions des poissons. Mais si l’évolution nous a privés de nageoires, c’est pas pour des prunes, mes tanchons.

Régresser en buvant la tasse ? Merci bien.

 

Ou alors, c’est juste pour pouvoir faire le cake en maillot de bain devant ses semblables.
Oui, tout ça, c’est une excuse pour se foutre à poil. Et se laver sans se frotter, encore.
Quoique certains se jettent à l’eau en combinaison intégrale. Un jour, il faudra qu’on nous explique.

Merci de votre attention.

 

Implacable

 

Il suffit parfois de retourner la lorgnette pour que s’ouvre un abîme de perplexité. Pas pour impossible, improbable ou impitoyable avec lesquels on reste en terrain connu. Arrive implacable et là, on sèche. Contraire de « placable » : « que l’on peut plaquer » ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dans cette affaire, obnubilé par son caractère tranché, on perd de vue le sens originel de l’adjectif : « qu’on ne peut apaiser ». Un emprunt au latin implacabilis, l’inverse (ah ?) de placabilis : « qui se laisse fléchir, qu’on peut apaiser » en parlant de quelqu’un.
Cherchons pas midi deux heures plus tard, ça vient du verbe placare, « apaiser, calmer, adoucir ». Nous nous laissions bêtement aveugler par le son [k], qui est tout sauf doux.

Index contre pommette, pouce sous le menton, réfléchissons : quelle descendance placare a-t-il laissée ?
Placide, mon bon monsieur.
Et c’est pas fini.
Bonnes pâtes, les placides ne font de tort à personne. Leur compagnie est agréable et, pour tout dire, plaisante. Précisément : ils ont tout pour plaire/placere (piacere en rital).

Même racine que plaisir au passage, employé comme verbe avant que plaire ne l’envoie se faire substantiver ailleurs. Si plaire nous a plus plu, c’est parce qu’il nous rappelait faire. Pas chien, on a fini par ajouter faire à plaisir pour faire plaisir à tout le monde.

 

Revenons-en à ce bon vieux placere, issu de l’indo-européen plak-, « calme » en parlant de la surface de l’eau. D’où placenta, à l’origine « gâteau, galette » voire « crêpe » (on ne rigole pas), le truc plat qui se mange, quoi…

 

Encore une démonstration implacable que tout est lié.

Merci de votre attention.