Quoi quoi mon quoi

 

Du diable si les grammairiens savent où le ranger. Mais quoi ? Quoi.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il faut lui dire quoi ?
Il faut lui dire, quoi.

Pronom relatif ou interrogatif en temps normal, quoi se contente à l’oral de terminer vos phrases, sans qu’on puisse le raccrocher à un quelconque wagon.

Résumant le propos :

vacances de merde, quoi

ou laissant planer l’imprécision :

cinq-six, quoi,

l’animal permet de se dédouaner à peu de frais. A charge pour l’interlocuteur de décider à votre place.

 

Point n’est-il nécessaire d’avoir bouffé du Bled au berceau pour sentir que ce quoi-là ne renvoie qu’à lui-même. Il a donc l’honneur de rejoindre la cohorte des voilà, voyez et autres quelque part, ces pointillés de sens qui n’explicitent que pouic tout en encombrant la conversation. Usage casse-bonbon s’il en est.

 

D’autant plus que le zigomar, on l’a vu, résiste farouchement à l’analyse. On cerne à peu près sa fonction mais sa nature ? Conjecturez si ça vous chante. (Summum du mystère : la locution restée célèbre « non mais allo quoi », dont aucun des mots ne peut nous renseigner sur son sens exact).

Si on le remplaçait par en somme, grosso modo, pour ainsi dire, si vous voulez ?
Ou même comment, , quand, nabab, trottinettequoi pouvant être tout et n’importe quoi, toutes les fantaisies sont permises.

 

Françaises, Français, francophones, francophones, il ne tient qu’à vous d’oublier un peu votre moutonnerie en devisant avec votre voisin.
Allez quoi, c’est pas si compliqué.

Merci de votre attention.

 

A quoi repérer l’artifice ?

 

Dans un monde d’apparences et d’illusions, démêler le vrai du faux n’est pas chozézé. La vie elle-même est un songe, écrivait Calderon. Si tant est qu’il l’ait écrit.
C’est qu’il en faut beaucoup pour déjouer les trompe-l’œil, miroirs aux alouettes et autres fake news chausse-trapes que l’humanité vous tend. Rationalité imperturbable, sens critique en béton armé, assortis d’une solide culture générale.

Sans oublier l’expérience. Il fut un temps pas si lointain où l’on vous ressuscitait le nez avec un pouce coincé entre les doigts. Aurait-on omis de vous expliquer le truc que vous gambergeriez encore, avouez.
Sur leur lit de mort, d’aucuns réclament encore l’aumônier. C’est assez dire qu’il n’y a pas d’âge pour croire aux chimères.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en dindon civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Quand l’artifice est dans le nom, c’est facile (pour ne pas dire chozézé) : un « feu d’artifice » annonce la couleur. Ce qui ne vous empêchera pas de vous extasier oh la belle verte. Mais si ce « feu de poubelle » ou cette quatre-fromages au « feu de bois » semblent authentiques, qui vous dit que ce « feu follet » n’est pas un abus de langage ?

 

♦  Au cours de votre feuilleton préféré, des rires vous parviennent par vagues, régulières et disproportionnées. On parle alors de « rires enregistrés ». Moyen infaillible de les reconnaître : ils vous dispensent de rire vous-même, voire de vous forcer à rire quand ce n’était pas drôle.

 

♦  Décidément, vous ne savez plus à quel sein vous vouer, surtout s’il est en plastique. Ne vous focalisez ni sur la consistance, ni sur les balafres dans la région costale. Fixez plutôt le regard de la mutilée. S’il est aussi expressif que celui d’un mannequin en vitrine, la sincérité des roploplos est sujette à caution.

 

♦  De même, les poissons panés ne naissent pas carrés ni même en forme de poisson (habile stratagème pour instiller le doute). Vous repérerez la supercherie au slogan « Croustibat, qui peut te batt’ ? », dont le succès a contre toute attente permis aux créateurs de s’offrir des vacances sur des littoraux paradisiaques où ils ont pu déguster de vrais poissons grillés au crépuscule.

 

♦  Plage toujours : et l’océan qui vous fait face ? On vous a déjà fait le coup des lacs artificiels, plus turquoise que nature. Vu l’étendue d’eau cette fois, il est peu probable qu’on ait irrigué tout ça juste pour que vous y crawliez mollement. Si toutefois l’horizon se pare de teintes irisées, c’est le « sixième continent » qui flotte sous vos yeux, formé déchet après déchet par vos semblables.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Off ze wall

 

Evoquant feu Michael Jackson, seul un Frenchie pourra dans la même phrase vanter son sens de la « sahôl » et du « moonwolke ».

Hii ! hiii !

se bornera-t-on à glousser en rajustant nos khôuilles.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Serions-nous à ce point pétris d’un sentiment de supériorité, et si fiers de notre langue, qu’il nous faille saccager celle des autres ? Même pas : les exemples d’automutilation affluent à telle allure que le temps nous manque pour les soigner. Bitant le patois quand ça lui chante, le zhexagonal moyen sabote a fortiori les mots étrangers avec une constance sans égale.

Et l’élocution à la française pour les zanglophones ? Autrement plus périlleuse, en théorie. Pourtant la réciprocité de ces atrocités (rich rhyme) n’est pas vraie du tout. Eux ne savent rien du circonflexe, et ne butent pas pour autant, en âmes bien nées, sur un « aim » trompeur. Et, alors même que march figure aussi dans leur dictionnaire, ils font bien mieux marcher leur cervelle et leurs muscles faciaux que nous, qui donnons du « tch » à smash. Les syndromes persistent ? Au flash, qu’il faut les soigner. (Pour pousser plus loin la rigolade, this way please).

 

Or donc, soul se prononce à peu près comme saule. Ça ne vous saoule pas, vous, tous ces « soûle » et autres « sahôl » caoutchouteux ? A pleurer.
Moins cependant que le traitement réservé à walk ainsi qu’à talk. Nos compatriotes, toujours à côté de leurs pompes, ne trouvent rien de mieux que de se planter devant des « tolke-shows », sans doute sous l’influence de folk (pas d’autre explication possible). Et le o long de rauque, ça leur écorcherait la gueule ? Avec une logique pareille, faudrait causer dans des « tolkies-wolkies » ; crédibilité zéro, même si ce faux frère de Robert entérine cet usage.
Vous gênez donc pas pour mélanger masculin et féminin à la manière délicieusement aléatoire d’une Jane Birkin depuis près d’une demi-siècle. Ça finira bien par entrer dans les mœurs.

 

Et dans l’hypothèse où vous croiseriez un Anglais talking avec l, méfiez-vous, c’est le fantôme de Gainsbourg avec un melon.

Merci de votre attention.