« Préchauffer le four »

 

De même que les contes commencent toujours par « il était une fois », la plupart des recettes débutent par un sacro-saint « préchauffer le four ». Passons sur le temps de préparation dépassant allègrement celui du préchauffage susdit, ce qui stresse le cuistot et gâche du watt à tire-larigot. La véritable fumisterie réside dans l’emploi des termes. Préchauffage ? On vous ferait avaler n’importe quoi, à vous.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Car qui dit préchauffage dit obligatoirement chauffage.

Or, à moins d’un antique four à pain alimenté au feu de bois, nous autres ne chauffons pas le four à proprement parler : nous nous contentons de l’allumer. En plus, un seul geste pour préchauffer et pour chauffer, c’est pratique.

fourImaginez maintenant qu’il vous prenne l’envie d’enfourner sans préchauffage. Par quelle formule commencer la recette ? « Chauffer le four » ? Vous enclencheriez plutôt la cuisson. Et si cuire = chauffer (règle de trois), précuire ne peut équivaloir à un préchauffer qui, nécessairement, le précède – sans quoi ça précuit que dalle et la tarte, c’est du caoutchouc.

D’ailleurs, quand on y réfléchit, cuire n’est pas tant chauffer le four que le plat qui y va.
Par conséquent, toute espèce de préchauffage est bonne à jeter au feu.

 

Montons d’un étage. Vous a-t-on jamais sommé de « préchauffer la plaque » en vue d’y poêler quelque chose ? Ou de préchauffer la matière grasse y afférente ? Voyez le ridicule, pour ne pas dire l’extrême gravité de la chose. « Chauffer la plaque » ou « faire chauffer l’huile », telle est la consigne ; toujours pas de préchauffage en vue.

 

Moralité : allumeeeeeeeer le feu, allumeeeeeeeer le feu, et faire danser les diableuetlesdieuuuux.
Et ils vécurent heureux et ils eurent beaucoup de tartelettes.

Merci de votre attention.

 

Plantureux

 

Chez les mâles, seul festin a droit à plantureux. L’épithète est presque exclusivement féminine, ne serait-ce qu’au niveau des formes. Y aurait-il une histoire de belle plante là-dessous ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Plantureux a pour définition

bien en chair

et par extension, « opulent », « généreux », « tout ce qu’il faut là où il faut ». Dès qu’on parle d’une chose, plantureux redevient

très abondant.

On parlera d’une « végétation plantureuse » lorsqu’on en aura marre de luxuriante, autant dire pas de sitôt. Y aurait-il une histoire de luxure là-dessous ?

plantureuse

Au XIIe siècle apparaît « plantëurose » (« fertile, riche »), puis « planteurouse » (« largement pourvue ») et, quelques années plus tard, « von Ribbentrop » mais là, c’est parce qu’on n’avait pas fait demi-tour à temps.

Dès ces versions primitives, il semble qu’on se soit mélangé les crayons entre heureux et plentiveux, lequel n’a rien de plaintif puisqu’il prolonge plenteif (« fertile, abondant »).
Le vioc adjectif prend lui-même sa source dans le substantif plentet, plentee ou plenté (y’a plein de versions) : « abondance, grande quantité ». L’anglais plenty lui ressemble encore a lot.

D’« abondance » à « plénitude » , il n’y a qu’un plenus, latin pompé sur le radical indo-européen pele-, « remplir », qu’on a déjà pelé.

 

Pourquoi plantureux a-t-il bifurqué vers ce a de pure coquetterie ? Sans doute parce que nous autres avons tendance à confondre plein et plain. A notre décharge, une mer « étale » (planus) donne un sentiment de « plénitude » (plenitas) assez considérable.
Pour sa part, l’anglais plain ne manque jamais de souligner le caractère « ordinaire » d’une surface plane.
Alors qu’entre « plate comme une limande » et plantureuse, y’a pas photo.

Merci de votre attention.

 

Plafond

 

Inutile d’aller chercher un hypothétique plafundus originel. Z’allez sauter au plafond : littéralement, un plafond est un « plat fond ». Sans être spécialement bas de plafond, les verlanophones n’ont rien inventé.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A ce compte-là, qu’est-ce qu’un faux plafond sinon un fond plat faux ? A la place du peintre, on engueulerait le géomètre. Ou on enverrait pètre le géomeintre (ce qui revient au même).

 

Les architectes à qui on n’avait rien demandé commencent à causer platfons en 1546. Attesté dans sa graphie actuelle une poignée d’ans plus tard, on l’écrit encore platfond ou plat-fond jusqu’au XVIIIe siècle.

 

Au fond, vous aviez raison : il y a du fundus là-dessous, le fond de toute chose en latin. Voyez le s ? Il s’est blotti dans fonds, sans lequel en effet on rechigne à attaquer les travaux et on boude dans son coin. L’indo-européen commun bhudh- a d’ailleurs valu aux Zanglais leur bottom et aux Gaulois la bonde que nous remplissons à ras bord.

Quant à plat, le latin des rues plattus l’a volé à l’étalage chez le grec ancien platus, lui-même copié-collé de l’indo-européen plat-, « étaler ». Dirait-on pas le cri de la couche de peinture le soir au fond des bacs ? Meuh alors.

 

Reconnaissance ultime : les lampes qu’on applique au plafond portent le doux nom de plafonnier. Quant à plafonner, il équivaut plus souvent à « être au taquet » qu’à « poser du placo », il faut bien le dire.

 

La prochaine fois, nous nous attaquerons au plancher. Il y aura du pain sur la planche.

Merci de votre attention.