Comment s’arracher les cheveux qui manquent ?

 

Les absurdités du quotidien sont autant d’occasions de vous arracher les cheveux. A condition d’en disposer en nombre suffisant pour pouvoir donner libre cours à votre fureur.

Ainsi, le nourrisson baignant dans la béatitude n’est pas concerné. S’il n’a pas de poil sur le caillou, c’est tout simplement qu’il n’en a pas besoin, toute contrariété étant écartée dans l’instant par ses géniteurs. La nature est bien faite.

Mais comment font les chauves ? Ils ne vont certainement pas s’en prendre aux mèches de leur voisin. En outre, le souci supplémentaire causé par la frustration ne ferait qu’accélérer la chute des tifs.

Sans parler des vieilles dames dégarnies. Ou des patients sortant d’une chimio, contraints de ronger leur frein en attendant que ça repousse.

Enfin, si vous êtes sur le point de vous faire scalper, sachez que Grand Sachem ne rigole pas et qu’il vaudrait mieux détaler plutôt que de gémir sur l’inconfort de la situation. Autrement dit, ne vous arrachez pas les cheveux ou l’on pourrait s’en charger pour vous.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en défrisé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous arracher les cheveux de la moumoute. Attention, si vous ne maintenez pas fermement cette dernière, les rares qui ne se doutaient de rien découvriront le pot aux roses.

 

♦  Vous arracher les poils du nez. Jusqu’à preuve du contraire, on n’est jamais chauve du nez. Un peu douloureux certes mais vous aurez au moins résolu ce disgracieux problème.

 

♦  Vous arracher les poils du kiki. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût du maillot.

epilation

♦  Vous arracher les poils des jambes. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût de l’épilation. Cyclistes, rabattez-vous sur les poils du casque.

 

♦  Vous arracher tout court et laisser votre pilosité tranquille.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Pelote

 

Tout à la joie d’observer le chat jouer avec sa pelote (il s’amuse d’un rien), on oublie totalement la parenté de celle-ci avec peloter, peloton et se pelotonner. Au moins trois cousins qu’on ne voit jamais (et elle non plus).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ça ne se discute plus depuis le début du XIIe siècle, une pelute est une

boule formée par l’enroulement de fils,

généralement de laine.

Rondeur sur laquelle joue aussi peloter, le vilain.

D’ailleurs, « avoir les nerfs en pelote » est fort proche d’« avoir les boules ».

 

Ceci posé, un peloton n’est jamais qu’une « petite pelote » ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner. Et par extension, « petit amas compact » ou « petit groupe de personnes ». Tandis qu’on dévide la pelote, le peloton déroule (sur les routes du Tour) ou défouraille (s’il s’agit du peloton d’exécution).

Dans le fond de la salle, les cinéphiles se souviennent de Platoon, anglicisation de l’inoffensif peloton ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner.

 

Se pelotonner, c’est donc « se mettre en peloton », autrement dit « en boule ».
La faute au bas latin pilotta, diminutif de pila, « balle », dont le prototype était sans doute en « poils » (pilus).

Rapporté à notre pelote et à notre greffier du début, il est assez fendard (on s’amuse d’un rien) qu’une boule de poils poursuive une autre boule de poils.

 

Mais alors, pilule ? Tout juste, « petite boule » qui guérit depuis le latin pilula, un autre diminutif de pila.
Pelouse ? Du vieux provençal, voui voui, tiré de pelous, « garni de poils ».
Et peler ? Pile poil, enlever les poils et la peau. Mais ne refaisons pas le film, les cinéphiles crieraient au complot, de l’ancien verbe compeloter, « rouler en boule » ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner.

Merci de votre attention.

 

Glabre

 

Glabreté a bien du mal à pousser sur glabre. Pas de substantif non plus pour le port de la moustache ou de la barbe. On en déduit qu’en matière de poils, la norme n’existe pas.

Mais revenons à nos mentons, moutons.

Glabre est très pratique pour dire « dépourvu de poils ». Il existe par lui-même, contrairement à « impoilu », « apoilu » ou « dépoilu » qui tous passeraient pour des antonymes notoires. Imberbe a fait son trou, certes, mais son hérédité barbue ne trompe personne.

Deuxième avantage, glabre ne qualifie pas seulement le visage masculin mais aussi chaque partie du corps potentiellement velue : bras, jambes, torse… Seuls les dessous de pied, yeux, ongles et nombril sont glabres par nature. Les paumes restent sujettes à caution, les cas de poil dans la main n’étant pas exceptionnels.

glabre2

Malgré toutes ses qualités, glabre n’est officiellement admis entre givrer et glaçage qu’en 1835. Il piétinait pourtant dans l’usage depuis trois cents ans. Et sans doute davantage, vu sa proximité copaincommecochonnesque avec le latin glaber. Lequel, promu « jeune esclave », avait l’insigne honneur de se foutre à poil s’épiler pour le bon plaisir de ses maîtres.

Glaber faisant glabri au génitif comme liber fait libri et l’aber fait l’abri, on voit comment e et r ont échangé leur place. Ils ne sont pas les premiers, si ça se trouve. Ce l par exemple. Sûrement une inversion au sein de scalpere (« gratter, creuser »), sculpté sur l’indo-européen (s)kel, « couper » (→ culter, « couteau »). Par la barbe du Grand Manitou, ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Hypothèse renforcée par le cousinage de glaphô/glyphô en grec, « gratter, creuser » derechef (→ hiéroglyphe).

 

Mais l’indo-européen ghladh-, « lisse, luisant », tient la corde. C’est en anglais que sa progéniture est la plus impressionnante : glad (à l’origine, « irradiant de joie »), glass, gold… jusqu’à yellow dites donc !
D’ailleurs, jaune n’est pas seulement l’équivalent de ce dernier mais son jumeau, né du latin galbinus, petit frère de galbus (« vert pâle, jaunâtre »).

En regardant glabre comme ça, dans le blanc des yeux, on ne l’aurait pas cru.

Merci de votre attention.

 

Soyons précis

 

Il semble que sous couvert d’expressions zimagées, nous multipliions les approximations en oubliant la fière devise au fronton* de ce blog : « une erreur répétée n’a jamais fait une vérité ».
* frontispice ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

J’en veux pour preuve le désolant :

avoir un balai dans le cul.

Locution figée qui désigne des personnes dont la raideur est du même tonneau. Pourtant, a-t-on jamais vu dépasser de leur arrière-train la partie brosse ? Est-ce à dire que l’ustensile s’insère dans sa totalité ? On ne peut l’imaginer, même en cas d’orifice particulièrement dilaté. L’hypothèse est donc irrecevable, à moins d’avoir en réalité un simple

manche à balai dans le cul.

Imprécision, mère de malentendus.

 

Autre source de perplexité pour qui prend la peine de s’y arrêter,

avoir un poil dans la main

ou, pire encore,

un baobab dans la main.

Voyez où le bât blesse. Si cette terrible tare s’était avérée en un seul point de la planète, la communauté scientifique aurait accouru comme un seul homme et les photos de l’excroissance s’étaleraient partout. Par cette expression toute faite, on désigne clairement les individus soi-disant malformés comme des têtes de turc – quand bien même ils ne sont pas turcs. Par fainéantise sans doute.

 

Avoir le cœur sur la main

ne s’embarrasse pas plus de vraisemblance. L’opération implique pourtant un thorax assez mutilé pour y plonger une main ou pour qu’à l’inverse l’organe pendouille au-dehors, retenu tant bien que mal par la paume du pauvre bougre fauché par le shrapnel.
Dans tous les cas, on ajoute généreusement à l’aberration anatomique celle du langage. C’est du propre.

 

Et s’il vous arrive régulièrement d’

en avoir ras le bol,

qu’est-ce qui vous empêche de changer de bol ? Ou de casquette, de pif, de baigneur selon la circonstance ?

 

Quant à savoir s’il faut se mettre

en chien de fusil

ou

en chiens de faïence

laissons là ces divagations, non sans y jeter l’œil torve qu’elles méritent.

Merci de votre attention.