D’une minute à l’autre

 

A force d’avoir tout tout de suite tout le temps à portée de main, nous n’avons plus aucune patience. Heureusement, « d’une minute à l’autre » est là pour nous scotcher.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Pour mieux faire sentir l’imminence de l’événement, le journaleux dépêché sur place multiplie les « d’une minute à l’autre ». Malgré tous ses efforts, il n’y a aucun suspense : l’événement finit toujours par se produire. Généralement dès que le journaleux rend l’antenne.

Mais il y a pire : grammaticalement, la locution rappelle le passage « du coq à l’âne ». Or, on ne « passe » pas « d’une minute à l’autre ». Ou alors sans le faire exprès, quand l’action est à cheval sur deux minutes (ou unités temporelles successives).

 

Au lieu de faire la moue, remplacez minute par nuit. Vous pouvez toujours guetter le verdict, la prise de parole du candidat ou le lancement de la fusée. Les nuits étant interrompues par des jours, « d’une nuit à l’autre » électrise déjà moins les foules.

 

Alors que quand vous entendez retentir « d’une minute à l’autre », vous prenez vos dispositions pour être là au moment où ça commence. Qui est contenu dans une seule minute. Et même une seule seconde.

D’ailleurs, plus vous raccourcissez les intervalles, moins vous oserez quitter la pièce, de peur de tout louper :

d’une seconde à l’autre.

Et pourquoi pas

d’un centième à l’autre,

histoire de retenir tout à fait votre souffle ?

 

A l’extérieur, le journaleux ne connaît pas avec précision la minute fatidique. Si on ne lui en tient pas rigueur, il en va tout autrement de sa manie de meubler. C’est une question de minutes avant qu’on ne lui fasse bouffer son micro.
D’un bout à l’autre.

Merci de votre attention.

 

It’s too late

 

L’humanité se divise en deux camps : les ponctuels qui tueraient père et mère pour être à l’heure et les autres. Arriver « souvent » en retard n’existe pas : soit jamais, soit toujours, point de demi-mesure.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Les premiers, que cette perspective mortifie, ont un truc bien à eux : ils partent en avance. Au minimum se fixent-ils une heure qui leur garantisse à tout coup de débarouler dans les temps.

On serait bien en peine de décrire avec exactitude ce qui se passe dans la tête des seconds. Qui semblent n’éprouver aucune gêne pour eux-mêmes, ni pour ceux qui poireautent en les maudissant sur dix-sept générations.
Qu’est-ce qui, dans leur parcours, a bien pu foirer au point de se mettre sciemment, au moindre rendez-vous, en retard, hors les clous et pour tout dire, à la bourre ?

Nous avons tous dans notre entourage un Retardataire. Chopons-le entre quatre-z’yeux (en le sommant d’être là au quart, afin qu’éventuellement, dans sa grande bonté, il daigne se pointer à la demie). Cuisinons-le doucement : considère-t-il donc la ponctualité comme une option dans la vie, au même titre que la pratique du saut à l’élastique ou le don d’organes ? L’estime-t-il réservée aux chichiteux ? Aux enfants sages ?
Qu’il crache le morceau ou se taise à jamais.

 

Les psys de bazar verront dans cette attitude une manière inconsciente de se faire désirer. Maladroite oui ! Car si désir il y a chez les ceusses qui attendent, il a tôt fait de se dissiper en jurons d’impatience plus ou moins épais.

 

Tenter de raisonner un Retardataire est hélas sans espoir. Puisque celui-ci vous fera tourner en bourrique ad vitam aeternam, que le Code pénal ne prévoit-il une peine d’emprisonnement en réparation du préjudice subi ?
Ou, sur l’exemple des commissaires de course du Tour de France : hors délai = éliminé.

Merci de votre attention.