Comment non-remplacer un président sur deux ?

 

Soyez honnête : vous coûtez trop cher. Ne pouvant vous virer sur-le-champ, les pouvoirs publics ayant en charge la fonction du même nom se sont donc mis en tête de vous non-remplacer à l’heure de la quille. Alors que votre collègue en foutait encore moins que vous. Dites-vous que ça ne vous concerne plus. A plus ou moins long terme, vous et vos semblables serez éradiqués.

Et le plus tôt sera le mieux.
Rapide calcul : à l’heure actuelle, le pays compte cinq millions et demi de parasites. Il suffirait de non-remplacer tous les départs (2% par an) pour qu’au bout de 50 piges plus personne ne fasse tourner la boutique.

Idée lumineuse ! Pourquoi ne pas l’appliquer à tous les corps de métier ? A commencer par le haut de la pyramide où, entre nous, les frais vont bon train : chauffeurs, gardes du corps, réceptions, essence et kérosènes divers, entretien du palais… le tout sur vos deniers.

Les ors de la République grèvent votre budget ? Réduisez la voilure : exigez le non-remplacement d’un président sortant sur deux.

non-remplacer2Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en citoyen civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  « Elections, piège à khôns » ? Essayez l’anarchie. Si l’expérience n’est pas concluante au bout d’un quinquennat, mettez un intérimaire sur le coup.

 

♦  Le service public fait de plus en plus de place au privé. Une fois le mandat du dernier président échu, lancez un appel d’offres et engagez une boîte privée pour veiller aux intérêts de la nation. Ça ne vous coûtera pas moins cher mais au moins, ça fera jouer la concurrence.

 

♦  Si le législateur laisse tout pisser, c’est qu’il n’est pas motivé. Que lui rapporté-ce personnellement de porter le pays à bout de bras ? Faites du statut de « Français moyen » une condition d’éligibilité. L’ex-smicard de président s’attaquera en priorité au pouvoir d’achat, de même qu’un ex-taulard (ça devrait être moins difficile à trouver) redonnerait de l’air aux prisons.

 

♦  Le jour où il n’y aura plus de fonctionnaires, le président, privé de boucs émissaires, sera bien malheureux. Autant épargner cette peine à ses successeurs.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Enveloppe

 

On a beau chercher, enveloppe ne rime qu’avec salope, interlope, clope, flop, nyctalope, trompe de Fallope, cyclope et varlope, ce grand rabot à poignée. Heureusement qu’antilope et escalope sont là pour relever le niveau. Sauf que, comme un fait exprès, les braconniers ont des pneus Dunlop.
Galope, ma grande.

Mais revenons à nos oryx, moutons.

Vide, l’enveloppe n’a pas de valeur particulière. Il suffit d’y glisser quelque chose pour que l’affaire devienne sérieuse. Au moment de la cacheter, la dramaturgie monte encore d’un cran.

C’est pourquoi le dérivatif à la sacro-sainte enveloppe renfermant le nom du vainqueur tue tout le suspense de la cérémonie. Pourquoi croyez-vous que la Poste, sur le modèle des enveloppes pré-timbrées, n’ait pas jugé utile de proposer des enveloppes pré-fermées ? Pour ne pas nous priver de ce plaisir secret.

 

Si le substantif vous semble sans attaches, visualisez plutôt le verbe envelopper. Comparez-le à développer. Si à cet instant l’adrénaline sourd de partout, c’est que la révélation produit son effet. Si rien ne fait tilt, dites-vous bien que toute la relation du couple est bâtie sur –veloppe.

 

A tout seigneur tout honneur, envelopper fait figure de doyen. On le croise dans la bouche de la première femme préhistorique emballant le quatre-heures de son homme pour la chasse à l’antilope de tantôt (sans 4×4, c’est dire la gnaque qu’il lui fallait) ; plus officiellement en 980 sous la forme envoloper, puis anveloper. Et jamais personne pour taper sur les doigts du copiste.
Et ça continue : 1235, envoleper. On faisait strictement ce qu’on voulait, at that time.

 

D’aucuns repèrent dans voloper (papa d’envoloper) le latin tardif aluppa, « copeau, brin de paille », délayé avec volvere, « faire rouler ». Evoluer vient de là, de même que vulve. Une enveloppe aussi sûre qu’une autre après tout.

D’autres se tournent vers l’anglais wrap, qui lui aussi « enveloppe » tout ce qui se présente, comestible inclus. En moyen angliche, le verbe avait nom wlappen et il l’avait bien cherché.

 

Développer a également connu des mises à jour : desvoleper (fin XIIe), desveloper (XIIIe), desvoluper (XIVe). Il s’est développé en développement, alors que son antonyme n’a point fait enveloppement (d’où longue cécité possible).

Avec l’enveloppe, on a gagné au change.

Merci de votre attention.

 

Lacet pété : quels enjeux, quelles réponses ?

 

Prélude à un jour sans, dit aussi « journée de merde », le lacet pété survient par définition toujours au pire moment : celui où vous enfilez trop prestement vos pompes avant de vous sauver.
Précisément, c’est parce que vous étiez à la bourre que le maudit cordon vient vous le rappeler. A l’instar d’un nœud coulant, on ne peut pas lutter contre le lacet qui pète.

Le phénomène est si sournois que vous n’avez pas de lacet de rechange. Plus exactement, il vous reste des moitiés de paires pêle-mêle, dont un premier examen permet de constater qu’elles ne sont pas de la bonne couleur, et un second pas de la bonne taille.

A cet instant, vos jurons, qui s’étaient enclenchés au tac ! fatal, arrosent les fabricants de lacets. Une fois pour toutes, cette engeance vit sur votre dos, et vous préférez encore marcher honteusement que de continuer à alimenter sa fortune grassouillette.

lacet2

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en victime civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous pouvez faire fi de la gravité du drame et considérer qu’un moignon, après tout, n’a jamais tué personne. Comment font les vrais amputés ? Ils vont travailler tous les jours, comme les autres. Oui mais quelqu’un leur noue leurs lacets, à eux. Sérieux avantage.

 

♦  Elisez domicile au-dessus d’un cordonnier minute qui vous réparera l’outrage dans une joyeuse odeur de cire et de maroquin. Si vous êtes allergique, munissez-vous d’une pince à linge (dans le même bazar que votre nécessaire à lacets).

 

♦  Aller pieds nus ou en ballerines du jour au lendemain ? Vous devrez encore vous justifier sans répit. Mieux vaut exhiber les stigmates de la décapitation au grand jour et arborer, tel le bourreau de Danton, le bout de lacet qui a fait son temps.

 

♦  Dans l’urgence, rachetez n’importe quels souliers dans la première échoppe venue. Si vous mettez les pieds chez Petit Bateau, il se peut qu’ils ne respirent pas tout à fait comme avant. A la Poste, deux Colissimo à votre taille devraient faire l’affaire.

 

♦  Ou solution toute trouvée : mettre le lacet intact dans les trous de l’autre. Et le tour est joué !

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

« Réceptionner »

 

J’ai réceptionné un colis pour toi ;

Aïe, j’ai bien peur que la Chinoise ne se soit mal réceptionnée là !

Au motif qu’il s’invite partout, devrions-nous réceptionner le verbe avec les honneurs ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Faire semblant de ne pas avoir de mots à sa disposition est un sport national. Que chacun pratique à son (petit) niveau :

  • en remplaçant un mot jusque-là bonnard par un néologisme jugé plus avantageux ;
  • ou par un mot angliche ;
  • ou (si on tient vraiment la patate) par un mot angliche non équivalent.

L’on ne vous fera pas l’injure de renvoyer ici à de précédents billets. Pour l’efficience de l’exposé, checkez par vous-même afin de ne pas squeezer ce qui suit.

 

Au sein de cette compétition zacharnée, « réceptionner » se distingue depuis 1909. Depuis, le vilain parvient régulièrement à dérober le dossard de son concurrent recevoir, au nez et à la barbe des zacadémiciens semble-t-il.
Replongeons la tête la première dans l’exemple liminaire. Si

j’ai reçu un colis pour toi,

quelle est la valeur ajoutée de le « réceptionner », tête d’œuf ?

On a ajouté, façon strapontin, un infinitif à réception, elle-même formée sur recevoir. L’exploit n’est pas mince. Il est vrai que réception est un nom particulièrement évocateur, surtout celles de l’ambassadeur. Accuser réception, d’accord. M’enfin quoi, « réceptionner » ? C’est un peu comme réveillonner : en donnant réception, vous recevez vos hôtes, jusqu’à preuve du contraire.

 

La moutonnerie force de l’habitude vous fait d’ores et déjà jvoispasoùestleproblèmer ? Prenez au pif les frangins de recevoir se conjuguant comme lui. Au risque de vous déceptionner, ça ne marchera pas du tout, sauf dans un sketch.
Pouvez vérifier (conjugaison 28) : percevoir → perçu, perception.

Le jour où on viendra vous perceptionner, fuyez, pauvres fous.

Merci de votre attention.