Dépourvu

 

De quoi ? Un participe passé ? Pour bien faire, il faudrait se pencher sur son verbe. Or, on ne sache pas que dépourvoir coure les rues. De toute façon, on ne vous prendra pas au dépourvu : c’est sa qualité de nom qui nous intrigue.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est qu’on les aime bien, ces petits mots à la forme figée. Rappelons que si pourvoir est pourvu, dépourvoir est dépourvu, sauf dans La cigale et la fourmi où la première

se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.

A vrai dire, dépourvu ne brille que dans la locution « être pris au dépourvu ». Cas de participe substantivé pas loin d’être unique. Seul le voisin « au débotté » tente de lui faire concurrence.

Et question forme figée, l’antonyme n’est pas en reste, qui se transforme en conjonction sans que personne ne moufte :

pourvu qu’on ne soit pas pris au dépourvu.

 

Comme d’hab, on a hésité longtemps sur l’accoutrement. Dès 1155, despurveüement implique une notion d’« improviste », toujours présente dans l’adjectif desporveüt (fin XIIe) puis dans « a coup desproveü » (XIIIe), « a despourveü » (1450), « au desporveü » (1559), dépourveu, -uë (début XVIIIe) et dépourvû, -ûe (1740). On lui retire les fanfreluches en 1762, parce que ras le bol.

 

Dépourvoir ne serait rien sans pourvoir. Or, au XIIe, pourvoir, c’est « prévoir » avant de « procurer quelque chose à quelqu’un ». Dans cette logique, pourvu devient « doté ». A l’inverse, dépourvu est « privé de ». Inutile de préciser de quoi, puisqu’il n’y en a pas.

Quid alors de pourvoir ? Du pur latin : providere pour vous servir, « voir en avant », autrement dit « prévoir ». On n’arrête pas de le voir, voir est produit par combustion du latin video, « je vois », grâce à l’étincelle indo-européenne weid-, « savoir, voir ». L’allemand wissen, « savoir », Witz, « blague », l’anglais wit, « esprit, intelligence » et witness, « témoin » en choient tout droit.

 

La semaine prochaine, nous nous attaquerons à « être fort aise ».

Merci de votre attention.