Exagérer

 

Disant « abusé » (voire « trop abusé » en abusant du pléonasme), les plus jeunes d’entre nous pensent en fait « exagéré », supplantant lui-même « c’en est trop », traduction hasardeuse du « hgnûrf » de nos ancêtres.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Par exagérer, on peut entendre « dépasser les bornes » :

il exagère

ou « grossir le trait » :

il exagère.

Certains essaieront de vous persuader que le verbe signifie « découper une lame de laiton » :

il exagère.

Méfiez-vous des usurpateurs. Rien ne vaut le cupronickel.

 

Au passage, face à l’outrance d’exagération, n’allez pas croire qu’ex-agere soit « agir en dehors » des clous. Tentant mais infondé : on dirait exagir. Langue, quelles exactions ne commet-on pas en ton nom.

Non, nous nous contentâmes d’emprunter exagérer, en plein XVIe siècle, au latin classique exaggerare, « augmenter, amplifier ».
D’ailleurs le nombre de mots empruntés au latin classique sans jamais les lui rendre est plus qu’exagéré. C’est vraiment dégueulasse.

 

En sus, on n’a pas pris exaggerare au pied de la lettre. Il faisait pourtant un « remblayer » tout à fait convaincant. En parlant de « remblai », agger ne s’est pas formé tout seul : on l’a porté là en vertu d’ad-gerere, « porter vers ».

 

Notons enfin avec quels égards l’anglais exaggerate chérit toujours le double g.
Heureusement, avec suggérer, frère caché d’exagérer (« porter sous »), on s’est bien rattrapé. Se faire souffler la politesse par les Albionnais, on ne l’aurait pas digéré.

Merci de votre attention.

RIP jeunes gens

 

Comme si ça ne suffisait pas, juste avant la fiesta des épousailles, vos zamis procèdent vite vite à un enterrement de vie de jeune fille ou de garçon. But du jeu : vous ridiculiser en public en vous forçant à faire ce qu’ils pensent que vous ne pourriez plus faire une fois casé(e). Comprenez : tout ce qui ne vous aurait jamais traversé l’esprit, indépendamment du casage.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Exemples de bizutages : venir vous réveiller pour vous grimer en fille (si vous êtes un mâle) ou embrasser – littéralement – une tonne d’inconnus (si vous êtes une femelle équipée d’un pèse-personne). Y’a pas à dire, des zamis comme ça, on en redemande. Trop tard pour en avoir honte le jour J.

 

Tous les moyens sont bons pour se marrer (sur commande). Car toute la clique part du principe que ce sera votre dernière chance de vous marrer. D’où « enterrement ».

Autre postulat : l’amitié en prend un coup une fois le grand amour entériné. Vos futurs ex-potes se vengent donc par anticipation en se liguant contre vous. Et ne font qu’accélérer le processus, avec leurs khônneries.

Troisième case enfin (et non des moindres) dans laquelle on vous range : vos gonades. Tout représentant du sexe d’en face étant exclu, le rite tournera autour de « trucs de filles » ou inversement. Moutonnerie absolue, sous couvert de débridé à son zénith.

 

Les sites spécialisés y ont songé, qui proposent désormais une pratique mixte de la rigolade organisée : l’« enterrement de vie de jeune couple » (nom de code : EVJC, à ne pas confondre avec EVJF et EVG).
Consternant manque d’imagination. Pourquoi se limiter au matrimonial : à chaque étape de la vie, l’enterrement correspondant !

La veille de vos dix-huit ans : enterrement de vie de mineur. Dans un ultime sursaut d’immaturité, commettez en une journée les pires méfaits dont vos tuteurs légaux devront encore répondre.

La veille du permis de conduire : enterrement de vie de piéton (cumulable avec le précédent). Avec la complicité du moniteur, lâchez les lions : grillez stops et feux rouges, collez au cul pour rire ou foncez sur une mémé. En manœuvrant bien, vous pourrez même fêter l’enterrement de vie de mémé dans la foulée.

Merci de votre attention.

 

Fulgurance #106

Pourquoi le père Noël ne fait-il pas les anniversaires ?

Pour ne pas décevoir les natifs du 25 décembre. Il n’a pas quatre bras.

Déposer les statuts

 

A chose bizarre, mot zarbi. Sur un rézosocio dont le nom et l’intérêt m’échappent, il est de bon ton d’entretenir le feu en postant régulièrement un statut. Ne vous y trompez pas, rien à voir avec l’état civil quasi-immuable qui vous caractérise (blase, date de naissance, vie de famille). Au contraire, est prétexte à nouveau statut toute variation d’humeur, dont la planète pourra profiter en temps réel. Comme un blog alors ? La distance en moins, l’immodestie en plus. Titillez pas, hein.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Voici, tirée du dico, la définition la plus proche de ce statut nouvelle manière :

Situation qu’une réalité occupe dans un contexte donné.

A des années-lumière de l’auto-mise en scène susdite, s’pas ? Quant aux

rapports légaux qui s’établissent entre les hommes en l’absence de tout acte de volonté de leur part,

voyez par quelle cyber-ironie notre statut du jour en est l’exact inverse : le rapport à sa communauté dont chaque mouton membre décide seul dans son coin en fonction de l’inspiration.

A l’instar des journaux de la veille, le statut est donc une denrée hautement périssable. Celui qui le poste en dit généralement trop ou pas assez, dans le but de susciter qui des pouces levés, qui des commentaires du troupeau :

[X] en mode véner.
[Y] est tro contante.
[Z] vient de faire une grosse bêtise.

C’qu’il faut pas faire pour se sentir exister, pfouaaah.

D’un clic incontrôlé, vous pouvez même « faire savoir à tous vos amis » de quand datent vos dernières emplettes en ligne et en quoi elles consistent. Je laisse à penser le scoop qui apparaît alors en guise de statut. Dans le genre servitude volontaire, on approche dangereusement du taquet.

 

Regrattons à la porte de l’étymo. Un statut n’est jamais que le résultat de quelque chose dont on a statué, de statuere : « établir, dresser, mettre debout ». Comme les statues des Romains, voui.
De là à en ériger une à Zuckerberg, faut peut-être pas pousser mémé dans les orties. Surtout si elle est en short.

Merci de votre attention.