D’abord

 

Nous avons tiré d’abord d’abord, d’abord facile. Or, on ne saurait aborder abord sans remonter à bord.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Et d’abord, qu’est-ce qui a valu à abord une telle consécration ? L’abordage (premier contact avec la terre ferme, la flotte ennemie) et, au figuré, le fait d’aborder quelqu’un (premier contact avec autrui, communément appelé râteau).

Souvenons-nous zaussi qu’entourés d’eau comme nous le sommes, on n’est jamais mécontent d’arriver.
Mais surtout, abord est un nom, qualité qui fait défaut chez les petits copains arriver et accoster qui n’ont pas compoté en locution malgré leur indécente proximité sémantique avec aborder.

Selon l’humeur, abord signifie donc « accès », « environs » (au pluriel), « début d’une rencontre », « aspect, attitude » et donne lieu à des variations zinfinies : « dès l’abord », « de prime abord », « au premier abord », « lune de miel à Bora Bora »…

Dans les pattes de de, il est à son zénith : d’abord fait quasiment office d’adverbe, au même titre que « primo », « avant tout » et autres « déjà ». Une combinaison qu’on ne retrouve que chez d’accord (d’emblée est un cas à part ; si vous croisez emblée toute seule, surtout, gardez ce trésor pour vous).

 

Mais, de même qu’un chapeau sans bord prête à rire, abord ne serait rien sans bord.
Cestuy-ci débute simple matelot en 1121 (« côté d’un navire », d’où bord et tribord) puis prend rapidement du galon jusqu’à finir « contour d’une surface » dès 1160. Pour ne pas faire de jalouses, il sort parfois déguisé en bordure mais c’est bien notre homme.

Bord n’a pas bougé depuis le bas francique bord (sens maritime), lui-même piqué au vieux nordique bord (idem). D’aucuns sont tentés de le rattacher à la « planche » bord (devenue board en angliche où l’on enjoint encore la cantonade à monter à bord au cri de « all aboard »). Dans ce cas, on peut déterrer le teuton mathusalémique burdam, sans doute affilié au radical indo-européen bherdh- signifiant « couper ».

Mais si ça se trouve, c’est une grosse bourde.

Merci de votre attention.

 

Antépénultième

 

Plutôt mourir que de bégayer « avant-avant-dernier ». Le français préfère donc frimer avec antépénultième. Alors même qu’il boude pénultième au profit d’avant-dernier. Quel mérite y a-t-il à finir antépénultième quand on peut finir premier ? Le français rétorquera que dans une compétition à trois, le premier est aussi antépénultième.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Découpons l’antépénultième en trois parts égales.

Ante : on n’arrête pas de le croiser dans antérieur, devant, avant et auparavant.

Pen- : prend sur lui de signifier « presque » et c’est déjà beaucoup (latin paene). On le retrouve dans péninsule et pénombre mais là, faut bien regarder.

Ultième : ainsi à poil, on constate qu’il s’agit d’ultime déguisé. Voyez comme l’usage est taquin ! S’il ne nous vient pas à l’idée d’employer ultième tout seul, dans les jupes de ses préfixes en revanche, ça ne nous fait ni chaud ni froid. Les Zanciens, plus logiques, disaient d’ailleurs antepenultime (1579) avant qu’antepenultiesme n’étale son didactiesme (1690).

 

On s’intéresse rarement à ultime sous prétexte qu’il est bon « dernier ». Il est pourtant ultra-chouette à étudier, une fois qu’on lui a retiré ses gros sabots pas étonnant qu’il lambine à ce point.

Considéré comme « extrême, le plus loin », ultimus est le superlatif d’ulter, qu’on retrouve dans ultérieur et transformé en ultra (« au-delà »), dont la version originale cohabite avec le plus récent outre (de même sens).

Quant à ulter, il s’est sculpté sur l’indo-européen ol-tero-. Ce radical ol- ou al- (« au-delà » toujours) loge aussi dans alter, alias (« autre »).

Restait plus à antepaenultimus qu’à se fossiliser correctement.

 

Après quoi on n’a même pas cherché à former « postpénultième ». Encore moins « postultième » d’ailleurs.

Merci de votre attention.