Face caméra

 

Quand elle tient une exclusivité, la gent journaleuse use de l’expression « face caméra ». C’est nous ou il manque des mots ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il n’y aurait donc de confession valable que « face caméra », c’est-à-dire droit dans les yeux ? Avouez que « face à la caméra » (c’est-à-dire droit dans les yeux), la manœuvre perdrait considérablement de son intérêt. « Face caméra » souligne mieux l’aptitude du professionnel à capter une parole rare. A bien causer la France, déjà moins.

 

De fait, les prépositions nous emmerdent. Elles empêchent d’aller plus vite. Il n’est pas jusqu’aux sportifs qui ne se résolvent à « jouer les Anglais » ou toute autre équipe « difficile à jouer ».

Mais alors, si X accepte de tout déballer « face caméra », qu’est-ce qui empêche de le retrouver au maquillage « face miroir » ?

Journaleux, vous êtes face responsabilités.

face-camera2Face juges, quelles circonstances atténuantes pourriez-vous plaider ?

  • « Hors caméra ». Les propos ne sont pas toujours tenus « face caméra ». Le plus souvent, ils le sont « hors micro » ou « hors antenne ». Parfois même, la locution prend du galon jusqu’à passer substantif : hors-série, hors-jeu. « Hors caméra » étant correct, la tentation de l’inverser en « face caméra » est grande, votre honneur.
  • Le double sens de face. Pour des raisons pratiques, lorsque l’interviewé cause, c’est son visage qui apparaît en gros plan. « Face caméra », messieurs les jurés, a donc tout à fait pu subir l’influence de tournures où la face est en vedette comme « face contre terre ».
  • Et après, où est le mal ? « Jaune citron » ne résume-t-il pas « jaune comme un citron » à lui tout seul ? Et que dire de « façon puzzle » ?

La défense est coriace. Pour l’amour langue, luttons pied pied, même s’il y a du pain planche.

Merci de votre attention.

 

Film d’auteur

 

D’un bon comédien, on dit qu’il « fait » le film. Au point de le placer, par la grâce de de, derrière la caméra :

un film de Brigitte Bardot,

même quand manifestement le derrière est devant.

Et le réalisateur ? Le grand oublié, avec avec.
brigitte-bardot2

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Voilà un réflexe vieux comme le cinoche, notamment au pluriel :

les films de Fernandel.

Et propre au 7e art. Dans tous les autres, pas d’équivoque possible :

une sculpture de Rodin,
un poème d’Apollinaire,
un disque de x ou y (on ne sait jamais lequel mettre)

sont bien le fait de l’artiste.

Au pire :

un portrait de la Joconde, par Léonard.

Dès que le sujet bouge à 24 images par seconde, celui qui le filme n’a plus qu’à s’écraser, dans un anonymat dont seules le sauvent ses cochonneries avec l’égérie.

 

Les petites ficelles n’intéressent pas le grand public. Ça tombe bien, plus l’œuvre est réussie, moins on les voit. Doit-on pour autant sacrifier l’autel sur l’auteur de l’émotion (ou l’inverse) ?

Idem pour l’art culinaire. « Un plat de nouilles », certes. Mais qui l’a cuisiné ? Elles ne sont pas arrivées al dente par hasard, ces nouilles.

 

Dans le doute, remplacez par « signé ». Attention, contrairement aux nouilles, ne le mettez pas à toutes les sauces. Ainsi est-on dorénavant sommé de s’extasier devant n’importe quel but « signé » Duschmoll.
Dans le cas de Maradona, on parlera plutôt de « la main de Dieu ».

 

Toute ressemblance entre un footeux, Brigitte Bardot et un plat de nouilles serait purement fortuite.

Merci de votre attention.