Peinard

 

C’est à peine si on y pense mais peinard ne ferait-il pas référence au taulard purgeant tranquillement sa peine dans son coin ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Presque bingo, n’empêche : le peinard d’origine (1549) est un « vieux penard » au sort peu enviable :

vieillard, homme souffreteux, usé par l’âge ou les chagrins.

Et Dieu sait que les occases de caser « souffreteux » se font rares.

D’où, par antiphrase, le peinard du XIXe qui depuis lors coule des jours heureux.

 

S’il s’est d’abord écrit pénard, c’est qu’on a longtemps peiné sur peine. Pena (980) ; peine (1050) mais « painne perdue » deux siècles plus tard ; « prendre la paine de » (1461)… C’est pénible, tous ces revirements.
D’ailleurs, ne dit-on point encore pénal pour tout ce qui a trait aux peines de zonzon ? Penalty quand l’attaquant se fait faucher dans la surface de réparation ?

Précisément, avant d’être une « souffrance », le latin poena vaut « expiation, châtiment ». Non loin de punir (anciennement poeniere) et, dans la famille auto-flagellatrice, de repentir et pénitent. Et donc des poooortes duuuuuu péniiiiitencieeeer.

Les Grecs en font même une question d’honneur. Poinê, c’est le « prix du sang versé », sans doute sur la racine indo-européenne kwei-, « payer, racheter ».

Chez les Zanglais, pain est l’exact opposé de « plaisir », à l’image de nos joies zet de nos peines.

 

Le tout admirablement résumé par Léo Ferré :

Avec le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être mais peinard.

A réciter quinze fois par jour, pour la peine.

Merci de votre attention.

 

Kidnapping

 

Vous n’avez pas pour habitude de vous faire kidnapper, encore moins de vous livrer au kidnapping yourself. Mais voilà que vos rudiments de zanglais vous reviennent dans la gueule : kid = gosse, nap = sieste. Quel rapport avec le roupillon des petits ? Le rapt est plus commode.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

D’ores et déjà, « to kidnap » abrite bien le kid que l’on connaît. Ce « môme » adopté dès la fin du XVIe siècle est une extension plaisante du kid première mouture : « petit de la chèvre », né kidjom d’un idiome germanique vers 1200.

C’est sur nap qu’on se fourvoie.
Dans ce cas-là, il signifie « saisir, attraper » (source scandinave) et c’est l’ancêtre de nab, « attraper, pincer [qqn] », apparu dans l’argot anglo-saxon fin XVIIe.

 

To kidnap date de la même époque. La mode est alors aux enlèvements d’enfants

to provide servants and laborers in the American colonies,

autrement dit pour disposer de main-d’œuvre taillable et corvéable à merci.

Comment les plus futés échappaient-ils à la vigilance de leur geôlier ? En formant de longs chapelets de crottes de nez, propices à l’évasion.


Comme l’indique Jean-Jacques Kebab dans un ouvrage sur la question*, kidnapper apparaît sur nos côtes en 1861 :

enlever [un homme de couleur] pour le servage.

Encore de nos jours, on kidnappe rarement pour le plaisir mais plutôt

en vue d’obtenir une rançon ou une contrepartie quelconque.

Il n’y a pas de mot en cas de kidrestitution.

Merci de votre attention.

 

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* Jean-Jacques Kebab, Un ouvrage sur la question, PUF 2015