« La question noire »

 

Pour commémorer la mort de Martin Luther King, rien de tel qu’un « spécialiste de la question noire ». Il y a de quoi se poser des questions, et des regards noirs qui se perdent. Faisons un rêve : et si on avait mal entendu ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Un gonze interrogé à cette occase jugeait l’expression « le problème noir » trop fétide pour être honnête. Et d’enquiller allègrement sur « la question noire ». Moins problématique, assurément.

 

Sauf que si « question noire » il y a, il faut la régler. Et même lui trouver une « solution » rapidos. Toute ressemblance avec une « question juive » de sinistre mémoire ne serait que pure coïncidence.

En sus, parler de « question noire » suppose une « question blanche », dont on se demande dans quel esprit suprématiste elle pourrait germer.

 

‘Tention, s’agit pas de nier que tout n’est pas rose. Mais en faire une « question » revenant sur le tapis, c’est ramener les Noirs – sous couvert de « neutralité » du vocabulaire – à leur condition de caillou dans la chaussure.

Prenons de la hauteur. « La question raciale » alors ? Etant donné qu’il ne saurait être question de « races », là encore, on s’écharpe pour rien. Le seul vrai ennemi de l’Homme, c’est la khônnerie, qui ne connaît ni couleurs ni frontières. Mais on ne peut quand même pas s’entretuer jusqu’au dernier, ce serait trop khôn.

 

Une fois n’est pas coutume, laissons-nous séduire par un faux-ami : en anglais, question au sens de problème se dit issue. Et si la réponse était dans la « réponse noire » ?

A force d’envisager, même sociologiquement, la coexistence des Noirs, Jaunes, Rouges, Mauves tirant sur le Bleu et Blancs crème comme une « question » à résoudre, point ne faudra-t-il chouiner si les communautés en question se sentent visées.
Alors que les individus qui en font partie, eux, ne demandaient qu’à rester peinards.

Merci de votre attention.

 

« Pas de souci »

 

Pas de s à souci, on a déjà assez de soucis comme ça. N’y en aurait-il qu’un qu’on n’en mettrait pas plus d’ailleurs, vu que souci c’est comme voici, ici et le couci de couça : c’est très singulier. Au contraire de merci, dont le pluriel fait

merci beaucoup.

Blblblblblblbl.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Faut-il que l’on vive une époque salement aseptisée pour s’entendre dire à la moindre requête :

Pas de souci.

La formule a balayé « pas de problème », qu’a priori on pouvait considérer comme synonyme. Sauf qu’à y regarder de plus près,

pas de problème

est le raccourci de

(il n’y a) pas de problème.

On y rassure dans le feutré, détaché, presque neutre, je m’en occupe, nous disions donc un kebab avec tout.

En revanche, « pas de souci » sous-entend « ne vous en faites pas ». Bigre. On se place délibérément du côté client, avec ça ; on franchit un seuil dans le doucereux, on se met dans le sens du poil.
Les moutonneaux nés dans un monde de services balancent des « pas de souci » comme ils le feraient d’un smiley. Un optimisme vidé de sa substance. Croient-ils vraiment vous libérer d’un poids ? Sans doute que non mais pour retirer une épine virtuelle du pied, rien de tel qu’un garde-à-vous cool.

C’étions pas les formules de politesse qui manquent pourtant ! « Très bien », « tout de suite », « mais comment donc », « c’est comme si c’était fait », « et une sauce blanche et des oignons qui vont bien », etc.

 

Quant au déjà ringard « no soucy » (prononcé « soussaille », parodie de franglais pas évidente pour tout le monde), il a sa place réservée au musée des horreurs. Où le rejoindra tôt ou tard « ça marche », autre postulat d’efficacité qui pour l’instant marche très fort aussi.

Merci de votre attention.