Savoir s’avoir

 

Tandis qu’être se voit accorder tout ce qu’il veut en genre et en nombre, avoir n’a qu’un COD qui le précède pour seule pitance. S’il n’y avait que ça ! Avec sa conjugaison pronominale inusitée, avoir se fait avoir sur toute la ligne.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Jamais de pronom réfléchi avec avoir. Zieutez bien, « nous nous avons » et autres monstres brillent par leur absence dans toute la littérature. Il est vrai qu’il faut se lever tôt pour caser « je m’ai » dans la conversation. Idem pour sa suite logique « je m’ai gouré ». Seul

heureusement que je l’ai

a droit de cité. Heureusement qu’on l’a, çiloui-là.

 

Le malaise culmine au moment de « s’avoir au téléphone ».

La dernière fois qu’ils se sont eus au téléphone,

ont-ils parlé de

la prochaine fois qu’ils s’auraient ?

Ça se saurait. Nos oreilles refusent de l’entendre. Parce qu’on n’a pas l’habitude ou à cause de l’homophonie avec savoir ?

 

Même employé comme auxiliaire, avoir se fait jarreter sans ménagement :

je l’ai eu au bout du fil

mais

nous nous sommes eus.

De même,

il a descendu une bouteille à lui tout seul

devient

la bouteille qu’il s’est descendue.

S’il a une bonne descente, que ne se l’at-il sifflée ?

 

Bienheureuses les autres langues exprimant la réciprocité à coups d’each other. Mais à supposer qu’on précise « l’un l’autre » ou « mutuellement », ça ne résout que pouic à notre affaire :

heureusement qu’on s’a l’un l’autre.

Vous parlez d’un duo de choc.

Merci de votre attention.

 

Quoi quoi mon quoi

 

Du diable si les grammairiens savent où le ranger. Mais quoi ? Quoi.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il faut lui dire quoi ?
Il faut lui dire, quoi.

Pronom relatif ou interrogatif en temps normal, quoi se contente à l’oral de terminer vos phrases, sans qu’on puisse le raccrocher à un quelconque wagon.

Résumant le propos :

vacances de merde, quoi

ou laissant planer l’imprécision :

cinq-six, quoi,

l’animal permet de se dédouaner à peu de frais. A charge pour l’interlocuteur de décider à votre place.

 

Point n’est-il nécessaire d’avoir bouffé du Bled au berceau pour sentir que ce quoi-là ne renvoie qu’à lui-même. Il a donc l’honneur de rejoindre la cohorte des voilà, voyez et autres quelque part, ces pointillés de sens qui n’explicitent que pouic tout en encombrant la conversation. Usage casse-bonbon s’il en est.

 

D’autant plus que le zigomar, on l’a vu, résiste farouchement à l’analyse. On cerne à peu près sa fonction mais sa nature ? Conjecturez si ça vous chante. (Summum du mystère : la locution restée célèbre « non mais allo quoi », dont aucun des mots ne peut nous renseigner sur son sens exact).

Si on le remplaçait par en somme, grosso modo, pour ainsi dire, si vous voulez ?
Ou même comment, , quand, nabab, trottinettequoi pouvant être tout et n’importe quoi, toutes les fantaisies sont permises.

 

Françaises, Français, francophones, francophones, il ne tient qu’à vous d’oublier un peu votre moutonnerie en devisant avec votre voisin.
Allez quoi, c’est pas si compliqué.

Merci de votre attention.