Que vous soyez puissant ou misérable, votre langue fourchera avec une régularité helvétique. Z’aurez beau jurer à la cantonade que ce n’est pas ce que vous vouliez dire, tout le monde saura au contraire précisément ce que vous vouliez dire.
Le lapsus est révélateur, depuis l’oncle Sigmund. Pléonasme que n’aurait pas renié La Palice.
Certes, dans le cadre privé, « casse ton bac d’abord » et autres « passe-moi l’ciel » prêtent plus à sourire qu’à conséquence. Mais face à l’auguste assemblée buvant vos paroles, évitez de conclure votre envolée d’un « vive la Flance » qui réduirait à néant tous vos efforts de persuasion.
Puisque vous n’êtes que le jouet de votre inconscient (porte bien son nom, çiloui-là), autant l’assumer à fond et vous décharger de toutes les saloperies qui vous passent par la tête sur l’air du c’est-pas-moi-c’est-lui.
Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en ex-faux-derche civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :
♦ Au moment de prendre congé d’un boulet, faites-lui sentir dans un grand sourire que « à bien tard » est une formule sans équivoque.
♦ Lorsqu’on soumet une nuisance sonore à votre sagacité de mélomane éclairé, au lieu de partir d’un paradoxal « non c’est pas mal », écoutez votre conscience : « oui saagace bien ».
♦ Au terme d’âpres négociations, félicitez-vous de l’accord « gagnant-perdant » venant d’être trouvé. On louera votre franchise.
♦ Le jour où, recevant votre homologue dictateur, on vous presse d’évoquer les droits de l’homme entre la poire et le fromage, rappelez-lui que « là où y’a d’la gégène y’a pas de plaisir ». Vous lui aurez dit son fait sans en avoir l’air.
♦ Si vous ne pouvez tempérer vos ardeurs en galante compagnie, le mot lapsus lui-même vous tirera de bien des situations embarrassantes.
Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.