Comment éviter d’être cruellement déçu par un visage de radio ?

 

Les tintinophiles connaissent par cœur l’anecdote de ce bambin regrettant, au sortir d’un film adapté de la BD, que

le Capitaine Haddock n’a pas la même voix que dans les livres.

Désillusion inverse : le sort impudique ne vous a-t-il pas trop souvent dévoilé l’apparence physique d’une voix de radio ? Expérience pour le moins déroutante s’il s’agit d’une de celles, familière entre toutes, qui rythme votre journée et sans laquelle votre bol de Banania n’aurait pas tout à fait la même saveur.
99 chances sur 100 pour que la découverte provoque en vous l’incrédulité voire le rejet, c’est statistique (sauf pour Rebecca Manzoni dont on a déjà dit tout le bien ici même mouak ton fan-club qui t’aime).
De fait, vous vous figuriez tout sauf cet(te) étranger(e) dont le visage, orné pour l’occasion d’un casque ridicule, ne correspond en rien à l’envoûtant organe.

Comment un tel décalage est-il possible ? Trahison ! (Sauf pour les animateurs prisés des djeun’s qui – et c’est heureux – sont encore plus khôns qu’ils n’en ont l’air).

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en auditeur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  On ne le dira jamais assez : certaines images peuvent choquer. Ayez le réflexe de détourner la tête, le temps que les traits de votre petit(e) préféré(e) disparaissent de votre champ de vision.

 

♦  Faites réaliser un portrait-robot qui vous siée, aux dimensions de l’image que vous ne devriez jamais voir et que vous pourrez masquer ainsi en toutes circonstances.

 

♦  Si le mal est fait, actionnez le système de brouillage d’ondes que vous garderez constamment à portée de main. Votre esprit refusera de faire le lien entre la physionomie insolite et ce timbre déformé.

brouilleur

♦  En dernier recours, si la voix chérie persiste à sortir d’un corps qui n’est manifestement pas le sien, dites-vous que vous avez affaire à un très bon imitateur. Ou que votre chouchou des ondes parle en réalité hors champ pendant que l’autre bouge les lèvres à l’écran.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Jean-Louis Fournier

 

Il fustige l’absurdité de la vie, les guillemets et les humoristes pas drôles, Jean-Louis Fournier est un frère d’armes. Si vous n’aimez rien tant que les feulements ordinaires magnifiés par l’écriture, foncez lire Ça m’agace !, son petit dernier. Identification maximale pour les moutons contrariés comme vous et moi !

Si vous préférez l’ouïr en interview (prononcé viouve car Jean-Louis Fournier n’est « plus un perdreau du jour » selon son expression), on peut dire que vous tombez bien : Rebecca Manzoni lui a récemment brossé le portrait. C’était dans Eclectik, émission de service et d’utilité publics par la seule présence du grain manzonien (épaisseur et espièglerie, LA femme faite voix, si j’ai une fille elle s’appellera Rebecca, sa maman aussi mais m’en fous). L’auteur y parle surtout de Mon dernier cheveu noir, sous-titré avec quelques conseils aux anciens jeunes, qu’il défend himself sur les planches. Impossible de citer un chapitre in extenso, ça vous priverait du plaisir de la découverte pis M’sieu Copyright ferait ses gros yeux. Impossible aussi d’amputer la moindre virgule. En guise de pis-aller, l’incipit, juste pour donner le ton :

De Radiguet, écrivain mort à vingt ans, Cocteau a dit :
« La première fois que je l’ai vu, j’ai compris qu’il nous était prêté et qu’il allait falloir le rendre. »

De moi, on pourra dire :
« La première fois qu’on l’a vu, on a tout de suite compris qu’on ne pourrait pas le rendre et qu’il allait falloir se le garder un bon moment. »

 

Jean-Louis Fournier écrit dans un style simple et sec (il « déteste parce que », je cite toujours) des trucs d’une intelligence sans bornes, d’un cynisme parfois impitoyable mêlé de poésie. Il atteint d’autant mieux son but que le format est court.
La minute nécessaire de M. Cyclopède, vous vous souvenez ? Le gars qui filmait Desproges s’appelait Jean-Louis Fournier et non, c’étions pas un homonyme.
(Même l’horloge, c’était la sienne).

Ça vous pose un bonhomme, non ?