Disant « abusé » (voire « trop abusé » en abusant du pléonasme), les plus jeunes d’entre nous pensent en fait « exagéré », supplantant lui-même « c’en est trop », traduction hasardeuse du « hgnûrf » de nos ancêtres.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Par exagérer, on peut entendre « dépasser les bornes » :
il exagère
ou « grossir le trait » :
il exagère.
Certains essaieront de vous persuader que le verbe signifie « découper une lame de laiton » :
il exagère.
Méfiez-vous des usurpateurs. Rien ne vaut le cupronickel.
Au passage, face à l’outrance d’exagération, n’allez pas croire qu’ex-agere soit « agir en dehors » des clous. Tentant mais infondé : on dirait exagir. Langue, quelles exactions ne commet-on pas en ton nom.
Non, nous nous contentâmes d’emprunter exagérer, en plein XVIe siècle, au latin classique exaggerare, « augmenter, amplifier ».
D’ailleurs le nombre de mots empruntés au latin classique sans jamais les lui rendre est plus qu’exagéré. C’est vraiment dégueulasse.
En sus, on n’a pas pris exaggerare au pied de la lettre. Il faisait pourtant un « remblayer » tout à fait convaincant. En parlant de « remblai », agger ne s’est pas formé tout seul : on l’a porté là en vertu d’ad-gerere, « porter vers ».
Notons enfin avec quels égards l’anglais exaggerate chérit toujours le double g.
Heureusement, avec suggérer, frère caché d’exagérer (« porter sous »), on s’est bien rattrapé. Se faire souffler la politesse par les Albionnais, on ne l’aurait pas digéré.
Merci de votre attention.