Comment prendre un bain de foule en pleine grippe A ?

 

En tant que membre actif du gouvernement, impossible d’y couper : l’œil des caméras doit vous filmer sur le terrain en train de servir l’intérêt général serrer des pognes. Fini le temps où le suzerain du coin faisait régner l’ordre et la terreur en crevant les globes oculaires des vassaux qui osaient lever les yeux sur son étole. Depuis que la République est République, faire ami-ami avec vos zélecteurs est un passage obligé.

Vous ne pouvez cependant ignorer tous les dangers qu’implique l’exercice : prises à partie de citoyens mécontents, tartes à la crème quand ce ne sont pas des attentats purs et simples.

Un parcours ultra-balisé, des gorilles fidèles vous garantiront la plupart du temps un bain de foule sans accroc. Mais qu’en est-il en cas d’épidémie galopante, dont vos fonctions vous rendent comptable aux yeux des masses agglutinées ? Vous ne demandez pas mieux qu’à regagner en popularité mais, en allant ainsi d’une paluche à l’autre, vous colportez le virus à vous tout seul : une partouze de miasmes géante.

Représentant de la nation ? Son principal agent infectieux vous voulez dire.

Flu/H1N1 Vaccine concept @ Home, Toronto - Ontario (Sept 26th, 2009)

Comment vous montrer en prise directe avec le peuple au moment même où vos propres services l’en dissuadent ?

C’est d’une schizophrénie sans nom. Ça au moins, c’est pas contagieux.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en démagogue civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Confiez au plus baraqué de vos gorilles un petit lavabo portatif pour vous savonner les mains après chaque empoignade. Il courra le vider régulièrement au-dessus du caniveau le plus proche en tâchant de ne pas se saloper les pompes.

 

♦  Faites-vous greffer une prothèse à chaque bras, que vous prendrez soin de plonger dans un bain d’antiseptique une fois les caméras parties.

 

♦  Des gants ? Et pourquoi pas une combinaison ? Vous n’y pensez pas. Optez plutôt pour des coucous de près, ou un de ces petits saluts nazis qui vous éviteront de trop vous fouler et de vous frotter à votre Volk.

 

♦  Avant que d’installer votre barnum, dépistez les malades et offrez-leur un vaccin gratuit en compensation du chagrin qu’ils auraient à ne pas vous étreindre. Vous pourrez alors fendre une foule saine et y aller de vos « peuchour » et de vos « merci » en toute tranquillité.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Au nom du père

 

Soyons visionnaires. On s’étrangle de moins en moins du fait que Mme Machin, lorsqu’elle épouse Tartempion, ait le choix entre garder son nom de jeune fille ou perdre son identité devenir Mme Tartempion. Dans combien de milliards d’années le fruit de leur union cessera-t-il de s’appeler automatiquement Tartempion ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 :

Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

A la naissance jusqu’à la majorité, avantage au père donc. Avant tout pour des raisons pratiques : madame étant en couche, c’est monsieur qui file le reconnaître.
Or contrairement à une idée reçue,

aucune disposition légale ne règle la transmission du nom patronymique à l’enfant légitime.

Mais depuis 2005 (une vibrisse de protozoaire à l’échelle de l’humanité),

un enfant dont la filiation est établie à l’égard de chacun des parents, peut porter :
soit le nom du père,
soit le nom de la mère,
soit les 2 noms accolés dans un ordre choisi par eux et dans la limite [du ridicule].

Une « déclaration conjointe de choix de nom » et emballé, c’est pesé. A défaut, le nom du père s’applique, si le couple s’est dit oui devant témoins. S’ils l’ont fait aux chandelles, et uniquement en cas de reconnaissance tardive du papa, c’est le blase maternel qui échoit à Junior. Qui le savait ?

Comme si une gamète mâle valait plus qu’une gamète femelle ! Dame Nature se bidonnerait dans les grandes largeurs.

 

Loin de toute revanchardise féministe, pouvoir choisir le nom du gniard relève de la logique pure.
Et républicaine de surcroît : liberté, égalité, fraternité. Les filles naissent libres et égales en droit à leur blaireau jules. Devraient-elles pas décider avec lui de leur lignée ?

 

Oui mais Dieu n’est-il pas le père de tous les hommes ? Nom de Dieu ! Voilà pourquoi les nanas du sexe féminin n’ont pas voix au chapitre !
Virons athées une fois pour toutes, et profitons-en pour changer de vocabulaire. Parce que prononcer a-thée (« sans dieu »), c’est encore raisonner en fonction d’une norme (« dieu ») qui manifestement n’existe pas hein.
Dans les grandes largeurs, vous dis-je.

Merci de votre attention.

 

Ministre

 

Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne,

fit Jean-Pierre Chevènement un jour où il n’avait pas sa langue dans sa poche.
Mémorable saillie frappée, du point de vue de la langue précisément, au coin du bon sens.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Car à l’origine, est ministre « celui qui accomplit une tâche au service de quelqu’un ». Plus précisément « du roi » ou d’un « souverain », avant que les sans-culotte ne relèguent les ministres aux seuls ors de la République.

Parallèlement, dès l’an de grâce 1174, un ministre se met « au service de Dieu » ; difficile de monter plus haut dans la pyramide. Chez les cathos, on parle même de « ministre du culte ». Quant aux premières moutures d’administrer, n’équivalent-elles pas purement et simplement à « servir à l’autel » ? Meuh alors.

 

Et pourquoi diable un ministre a-t-il toujours l’oreille de celui qui commande, à la fin ?
Parce qu’il vient tout droit du latin minister, exact contraire de magister, le « maître ». Magistral, non ?

 

Vu sous cet angle, vaudrait-il pas mieux nous défaire de ce ministre un brin anachronique ?

Car comme le rappelait Jacques Chirac, ankylosé par un caillou à l’Intérieur de sa chaussure présidentielle :

Je décide, il exécute.

Sur le modèle du président/prae-sidium (« celui qui est assis devant »), affublons dorénavant chaque ministre du nom de redident, celui qui végète à l’arrière.

Merci de votre attention.

 

Votez votez pour pour moi moi

 

Françaises, Français, dans le pli « Urgent Elections » qui vous est personnellement adressé avant chaque scrutin se glisse systématiquement un bulletin de vote par candidat. Il paraît que c’est normal, article R34 du code électoral :

La commission de propagande (…) est chargée d’adresser, au plus tard le mercredi précédant le premier tour de scrutin (…), à tous les électeurs de la circonscription, dans une même enveloppe fermée, une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat.

Celui-là ne passera jamais le rideau de l’isoloir (ou du « kâchipi », comme on dit passé un certain âge dans la tache bleue en haut à droite [sic]). Non, c’est avec son petit jumeau, attendant sur la table du bureau de vote, que vous remplirez votre civique devoir dominical.

On laisse à penser le pognon et la sève qui y passent.

 

Les frais – encore heureux – sont à la charge des candidats, non des zélecteurs, sauf en cas de référendum où les bulletins ne portent par définition aucun nom. A hauteur de 0,70 € l’exemplaire, on connaît des imprimeurs qui se frottent les mains, au détergent parce qu’avec toute cette encre.

 

Le législateur peut bien se donner bonne conscience, article R39 :

Le remboursement des frais d’impression (…) n’est effectué (…) que pour les circulaires et les bulletins de vote produits à partir de papier de qualité écologique répondant au moins à l’un des critères suivants :

a) Papier contenant au moins 50 % de fibres recyclées ;

b) Papier bénéficiant d’une certification internationale de gestion durable des forêts.

… un confetti, fût-il en papier recyclé, reste un confetti.

 

Sans tomber dans le jusqu’au-boutisme écolo, souvenons-nous que la maison brûle.
Un papelard est déjà de trop pour élire les plus têtes à claques. La planète ne mérite certes pas le gâchis de deux.

Merci de votre attention. Vive la République et vive la France.