Que faire pour ne pas manger tout seul au restau ?

 

Aller au restaurant, c’est avant tout vous faire plaisir. A condition d’être accompagné. Sans quoi, au sommet de l’échelle de la gêne, vous n’avez d’yeux que pour votre assiette.
Notez que dans votre antre, la solitude se supporte très bien à l’heure du repas. Elle commence à peser dès qu’il y a des témoins (vous pouvez méditer dans un coin peinard).

Pour ne rien arranger, vous échouez au milieu d’habitués qui, même attablés dans leur coin, peuvent donner le change en papotant avec le personnel.

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Et l’embarras est contagieux. Songez aux efforts qu’il vous faut fournir pour avoir l’air détaché tout en écoutant aux portes et mâcher en ne fixant personne. C’est pour ça qu’on compatit alentour, plus encore que pour l’absence de convive.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en paria civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Promettez une tournée générale.

 

♦  Repérez les autres clients solitaires et rapprochez vos tables. Il n’est pas nécessaire d’engager la conversation ; voyez Lucette et Marcel (qui mangent ensemble mais chacun de son côté).

 

♦  Emmenez votre poupée gonflable. Cette petite sortie lui permettra de se rembourrer un peu.

 

♦  Lancez-vous dans le « convive de location ». Vous trinquerez non seulement à sa santé mais aussi à celle de l’établissement (qui fera son beurre de ce couvert supplémentaire) et de la nation (dont le taux de chômage reculera de manière spectaculaire).

 

♦  Mangez comme quatre et le problème est résolu.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Restaurant

 

« Cocorico », fait le coq avant de finir au vin. Aucun doute : nous sommes le peuple de la gastronomie. C’est bien simple, on ne compte plus les estrangers nous ayant subtilisé le mot restaurant. A commencer par les anglophones ; et, quand on connaît leur bouffe, on conçoit que les drôles aient tout misé sur l’enseigne. « Fast-food » (où l’on mange mal mais vite), « buffet à volonté » (où l’on mange mal mais à volonté) parviennent néanmoins à tirer nombre d’entre nous hors du domicile (où l’on a tout le temps de faire bon et copieux).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A quelques exceptions près, restaurant égale fête. Au demeurant, son étymo est si limpide qu’on ne la voit plus : on y entre, tout sourire, pour se restaurer. Imaginons ces voyageurs harassés d’avant le hamburgé, volontiers ripailleurs, bombançant à coups de « Holà ! Tavernier ! » avant de cuver goûter un sommeil réparateur. Bête comme chou hein ? C’est d’ailleurs dans ce sens que l’on utilise restaurer tout court. Un restaurateur, lorsqu’il ne tient pas un restaurant, est celui chargé de « retaper » des antiquités de tous ordres :

Je me retaperais bien un peu de cette merde.

Précisément, avant que la métonymie eût fait son œuvre, un bon restaurant se trouvait dans l’assiette (« aliment, boisson qui restaure »).
Exactement comme un petit remontant, voui voui.

Le verbe n’a pas bougé d’un poil de pinceau depuis le latin restaurare : « rebâtir, réparer, renouveler ». Et ce radical –staurare ? Mais c’est celui qu’on retrouve dans instaurer. Il ferait même diantrement penser à son grand frère stare (« être debout »).

Statique comme une statue au stand de frites, derrière son taré de frangin.

(C’est pas un jugement, c’est un constat.)

 

Pour la petite histoire, selon Littré, le premier restaurant strico sensu fut ouvert près du Louvre en 1765 par un certain Boulanger. Qui, tel Christophe Colomb, crut jusqu’au bout tenir une boulangerie. Comme la clientèle chinoise s’entêtait à lui réclamer des baguettes, il devint fou et s’en fut, de dépit, engraisser les poissons de la Seine.

Merci de votre attention.