Alors comme ça, le rétroviseur serait au nostalgique ce que la boussole est à l’explorateur ? C’est oublier qu’il sert avant tout à prévenir du danger : on n’y voit que ce qui va se produire.
Mais revenons à la route, moutons.
Inutile de nier (y compris vous, filles du sexe féminin), hors cul venant de passer ou autre événement capital, on ne s’appesantit sur l’arrière que pour anticiper. Coup d’œil intérieur, extérieur, hop ! je double. Notez, khônnards du sexe masculin, que l’envie – légitime – de laisser papy dans le vent ne vous dispense pas de cette précaution, doublée d’un accès dégagé en face. Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, vous finirez en carpaccio de khônnard en croûte d’épave.
Y’en a qui aiment.
Rien de tout cela dans « regarder dans le rétroviseur », équivalent de « faire le bilan », voire de radoter pour soi. Exercice menant invariablement à l’apitoiement ou à l’auto-indulgence amusée – stérile dans tous les cas. Et surtout, aucune projection vers l’avant.
D’ailleurs, faites l’expérience : en marche arrière, plus de rétro qui tienne, on se retourne franco pour orienter la manœuvre. Certains en profitent même pour enlacer le siège passager, qui est une technique comme une autre.
Ce qui nous conduit à ce paradoxe : le khônnard ayant échappé de justesse à l’accident, s’il « regarde dans le rétroviseur », nourrit-il des regrets ? Ou a-t-il enfin intégré que la vie ne tient qu’à un fil ?
Le problème avec les expressions consacrées, c’est qu’elles sont plus khôns que sacrées. Et qu’elles ont la peau dure (la preuve).
Quitte à choisir une image, pourquoi pas « regarder par la lunette arrière » ou « dans l’arrière-cour » ? Parce que seul le rétroviseur permet la superposition des plans. On s’y mire à une époque révolue en même temps qu’au présent.
Et comme l’avenir ne se reflète nulle part, niveau visibilité, on n’aura jamais mieux.
Merci de votre attention.