La guerre des parapluies

 

S’il pisse comme vache qui pleut, tout le monde est logé à la même enseigne. En revanche, dès que l’ondée se dissipe, il y a deux écoles : les téméraires qui replient leur pébroque et les poules mouillées qui préfèrent paradoxalement rester au sec jusqu’à ce que le dernier nimbus ait rendu toute son eau.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Vu ce qui tombe, autant passer entre les gouttes.
Oui mais si on s’embarrasse d’un parapluie, c’est pour parer la pluie.

Deux points de vue également défendables. S’ils coexistaient dans la concorde civile, tout irait pour le mieux. Mais il y a les trottoirs.
Et à chaque rencontre, c’est le malaise.

L’ascendant de ceux qui tombent le peps sur les jusqu’au-boutistes est tel que ces derniers passent invariablement pour des pleutres. Et finissent par baisser la garde. Les autres, quoiqu’ils se fassent saucer en toute connaissance de cause, n’ont jamais l’air ridicule. Rouvrir un pépin tout juste replié ? Vous n’y pensez pas, ça ferait gonzesse c’est une question de dignité.

Le mimétisme ne joue pas dans les deux sens, mes moutons.

 

Rappelons que l’être humain détecte la pluie par au moins trois sens : toucher, vue, ouïe.
S’il n’entend plus plic-ploquer et s’il ne distingue plus l’averse à l’œil nu, rien ne l’empêche de pratiquer la politique de la main tendue, pour mieux sentir.

 

Afin de ne plus passer pour une totale chochotte, le gouttophobe fera donc mine de tendre la main à l’extérieur du havre des baleines. Une fois l’intempérie jaugée, il remballera les gaules en n’oubliant pas d’arborer un air de soulagement (« y pleut pus »). Sa conscience et les faits se chargeront de le contredire.

A l’inverse, pour éviter d’être considéré comme un m’as-tu-vu intégral, le fier à bras adoptera le rictus de celui qui se fait saucer, histoire de simuler la gêne.

 

Tout ce qui précède est aussi valable avec ou sans capuche.

Merci de votre attention.

Comment (ne pas) poser pour une poignée de main ?

 

Si la désaffection pour la politique gagne du terrain, ce n’est pas tant à cause de la fin des idéologies ou d’un concept du même seau que de la solitude de la poignée de main. Vous accepteriez, vous, de gravir quatre à quatre les marches du pouvoir si c’est pour vous retrouver serrant la pince d’un homologue (aussi embarrassé que vous), trois à quatre fois plus longtemps que nécessaire, sans le regarder, uniquement pour prendre à témoin une horde de Nikon en rut ?

 

Encore faut-il s’entendre sur l’expression « serrer la pince ». Car, pour prévenir toute photo floue et éviter que la torture ne se prolonge d’autant, vous vous contentez de tenir la main de votre hôte, dont la moiteur croissante ne doit pas vous empêcher de sourire. Le comble du pas naturel.

Il ne vous restera plus que la distance du couloir au salon où vous causerez droits de l’homme gros sous pour vous essuyer la paume contre un fémur, un poteau, l’interprète, aussi discrètement que possible. Autant dire que l’entrevue se déroulera dans un climat relativement peu favorable aux accords diplomatiques.

poignée2

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en grand de ce monde civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Prévoyez un nylon palmaire ou du papier buvard couleur chair à usage unique pour chacun. Adieu la gêne, adieu les miasmes.

 

♦  Fournissez à la meute un photomontage de vous et votre vis-à-vis se déclinant en plusieurs versions : costume, tailleur, tunique (pour l’émir), avec pixels interchangeables selon les visages. Toute la presse publiera le même cliché à la une mais ça ne changera pas de d’habitude. Vous pourrez alors accueillir n’importe qui à l’abri des regards.

 

♦  Idem avec les caméras de télévision. Pour leur donner le biscuit voulu, engagez des sosies qui se salueront l’un l’autre à qui mieux mieux. Occasion toute trouvée pour les sosies de dictateurs de sortir enfin de l’ombre.

 

♦  Si le protocole exige des effusions prolongées au sortir de la grosse berline, vous remarquerez que la meute vous lâche la grappe lorsque vous l’y raccompagnez, immortalisant ce qu’elle sait pertinemment ne pas changer le cours de l’Histoire.
Faites donc de la venue de l’invité un non-événement : pas de tapis rouge, pas de frichti somptuaire, pas de poignée de main, c’est plus honnête.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.