Comment épier l’homme invisible ?

 

Part sans payer, ne dit pas bonjour, met ses coudes sur la table… Ne nous voilons pas la face : l’homme invisible est une belle raclure qui profite du système sans être inquiété. Ne mérite-t-il pas de croupir dans une geôle sans autre forme de procès ?

Les meilleurs sont sur le coup : vous êtes affecté à sa surveillance.

Evacuons de suite la question de votre planque. Sachant que vous ne pouvez discerner les réactions du drôle, vous ne repérerez même pas qu’il vous a repéré. Autant donc choisir un endroit d’où aucun de ses faits et gestes ne vous échappera sans vous soucier de votre propre discrétion. Idéalement sa salle de bain, en vous faisant passer qui pour le plombier, qui pour l’architecte d’intérieur.

 

Encore faut-il que l’intéressé vienne vous ouvrir habillé pour la ville : bandelettes, chapeau, lunettes noires.

Car souvenez-vous que, dans l’intimité, l’homme invisible n’est reconnaissable à rien. Ce qui rend non seulement sa traque mais aussi son identification pour le moins hasardeuse.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en espion civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Comme tout un chacun, l’homme invisible a le téléphone portable vissé au corps. Grâce à la merveilleuse technologie du gépéhès, vous n’aurez plus qu’à le cueillir. Reste à trouver le moyen de lui passer les menottes.

 

♦  Déguisez-vous en femme invisible. Il n’y verra que du feu. Reste à trouver le moyen de lui passer les menottes.

 

♦  Profitez du sol neigeux ou boueux pour le suivre à la trace. Un aimant judicieusement placé lui fera par exemple perdre ses clés. Lorsqu’il reviendra sur ses pas, vous assisterez littéralement au retour de la momie.

 

♦  L’homme invisible a pour habitude de se balader les gonades à l’air (et il aurait tort de se priver). Or, pour être invisible, il n’en est pas moins homme. Vous qui inspectez ses sanitaires, rappelez-lui que bite invisible ou pas, ce n’est pas une raison pour en foutre la moitié à côté.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Bredouille

 

Le mot du jour est une pièce unique. D’ailleurs, essayez de lui trouver un synonyme, vous aurez toutes les chances de revenir bredouilles.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Impossible d’arriver à la cheville de bredouille. Il faut déjà avoir recours à « sans rien » pour approcher du concept. Et encore, à condition que revenir soit de la partie. Car se présenter sans ses affaires ne veut pas dire pour autant être bredouille.

 

Autre particularité de l’adjectif : sa terminaison rigolote, d’ordinaire dévolue aux noms : bouille, fouille, nouille, chatouille, dépouille, embrouille, fripouille, ratatouille, plus deux ou trois mots sous la ceinture aptes à faire rire les pedzouilles.

 

Le verbe bredouiller achève de nous plonger dans la perplexité. Quel rapport entre une élocution difficile et l’infructueux bredouille ? L’embarras, les cocos.

 

On se disait aussi, bredouille n’est pas une vraie épithète. Avant que le trictrac ou les dominos ne passent de mode, « avoir la bredouille » et, pire encore, « marquer bredouille » revenait à rafler la mise sans laisser un point aux autres joueurs. D’où « perdre la partie bredouille » puis « être bredouille », un peu comme « être capot » à la belote.
Par extension, au milieu du XVIIe siècle, se faire « mettre en bredouille », c’est perdre tous ses moyens. Il n’en faut pas plus pour rendre bredouille « celuy qui beguaye ».

 

De son côté, bredouiller n’a pas attendu bredouille pour descendre de bredeler, lointainement inspiré du brittus d’Armorique dont le patois indistinct déroutait l’envahisseur romain.

Si on vous demande d’où vient britt-os, vous pourrez toujours bredouiller que son origine se perd dans la nuit des temps celtes.

Merci de votre attention.