Clown

 

En sus d’aimer les tartes à la crème, le premier type qui eut l’idée de faire le clown disposait au minimum de maquillage, d’un chapeau ridicule, d’une boule rouge avec une ouverture pour le nez et de chaussures pointure 88.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

S’il y a bien une figure qu’on met à toutes les sauces, c’est celle du clown. Y compris dans les repaires à burgers. Cherchez pas, y’a pas de rapport.

Pas plus que le mot avec sa prononciation d’ailleurs. Quand on sait que ow fait [aʊ] en VO, dire [klun], en soi, c’est assez rigolo.
Imaginez qu’on se mette à prononcer brown « broune », town « toon » ou crown « couronne ». Heureusement que « fowfown » n’existe pas dans la langue de Shakespeare.

Celle-ci n’a d’ailleurs pas hésité à convertir clown en verbe : « faire le pitre ». Chez nous, personne ne se risque à dire « clowner », qui désigne un autre genre de comédien.

 

Apparu sur les planches en 1600, clown est précédé de clowne, cloyne et de leur clone cloine quarante ans plus tôt. Sans doute faut-il chercher l’origine de ce personnage « rustique, rustre » encore plus au Nord, au vu de l’islandais klunni (« balourd ») et du suédois kluns, de même sens. Voire du danois klunt, « souche, bloc ». De l’inanimé ? Et pourquoi non ? Ne dit-on pas « khôn comme une table » ?
Sans parler du vieux norse kluntet (« bon à rien »), arrivé sur les côtes anglaises à compter du VIIIe siècle. Ni du vieux teuton parlé par les Frisiens klönne, désignant un « être malhabile ».

 

Comme on n’est sûr de rien en matière de clown, toutes les fantaisies sont permises. Et pourquoi pas le latin colonus, « colon » de la campagne ? Lui aussi fait rire à ses dépens, tout comme le colonel d’opérette.

Voyons ce que dit le Baleinié*, en guise de clou du spectacle :

prender pipo-zinzin

[pran-dé] verbe
[pi-pô-zin-zin] n. m. inv.

se faire engueuler par le clown.

 

Merci de votre attention.

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*  Le Baleinié, dictionnaire des tracas, tome 3, Seuil

 

RIP jeunes gens

 

Comme si ça ne suffisait pas, juste avant la fiesta des épousailles, vos zamis procèdent vite vite à un enterrement de vie de jeune fille ou de garçon. But du jeu : vous ridiculiser en public en vous forçant à faire ce qu’ils pensent que vous ne pourriez plus faire une fois casé(e). Comprenez : tout ce qui ne vous aurait jamais traversé l’esprit, indépendamment du casage.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Exemples de bizutages : venir vous réveiller pour vous grimer en fille (si vous êtes un mâle) ou embrasser – littéralement – une tonne d’inconnus (si vous êtes une femelle équipée d’un pèse-personne). Y’a pas à dire, des zamis comme ça, on en redemande. Trop tard pour en avoir honte le jour J.

 

Tous les moyens sont bons pour se marrer (sur commande). Car toute la clique part du principe que ce sera votre dernière chance de vous marrer. D’où « enterrement ».

Autre postulat : l’amitié en prend un coup une fois le grand amour entériné. Vos futurs ex-potes se vengent donc par anticipation en se liguant contre vous. Et ne font qu’accélérer le processus, avec leurs khônneries.

Troisième case enfin (et non des moindres) dans laquelle on vous range : vos gonades. Tout représentant du sexe d’en face étant exclu, le rite tournera autour de « trucs de filles » ou inversement. Moutonnerie absolue, sous couvert de débridé à son zénith.

 

Les sites spécialisés y ont songé, qui proposent désormais une pratique mixte de la rigolade organisée : l’« enterrement de vie de jeune couple » (nom de code : EVJC, à ne pas confondre avec EVJF et EVG).
Consternant manque d’imagination. Pourquoi se limiter au matrimonial : à chaque étape de la vie, l’enterrement correspondant !

La veille de vos dix-huit ans : enterrement de vie de mineur. Dans un ultime sursaut d’immaturité, commettez en une journée les pires méfaits dont vos tuteurs légaux devront encore répondre.

La veille du permis de conduire : enterrement de vie de piéton (cumulable avec le précédent). Avec la complicité du moniteur, lâchez les lions : grillez stops et feux rouges, collez au cul pour rire ou foncez sur une mémé. En manœuvrant bien, vous pourrez même fêter l’enterrement de vie de mémé dans la foulée.

Merci de votre attention.

 

Sérieux

 

Faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux, voilà le secret, les aminches. Si vous le découvrez à l’instant, c’est que vous êtes nés dans un corps d’adulte. Auquel cas votre vieille mère a dû en baver un brin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

De tout temps, nos zacadémiciens ont entendu par sérieux une chose « importante, à prendre en considération », une personne « digne de confiance », le tout en parfaite opposition à rigolo. Dichotomie aussi absurde que la vie, on l’a vu. Comme disait l’oncle Oscar dans l’un de ses aphorismes à toute épreuve :

Life is too important to be taken seriously.

Pas chatouilleux pour un sou, l’adjectif a tôt fait de prendre le sens de « grave, pouvant avoir des suites fâcheuses » :

Carla et moi, c’est du sérieux.

Mille pardons pour cette abrupte dégringolade.

 

Sérieux provient du latin médiéval seriosus, dérivé de serius, lui-même sans doute issu de sevrius, parent de severus (« un air sévère »), piqué au grec ancien σέβας (sébas) qui a fini par accoucher de Sébastien, « le vénéré ». « Seb, c’est bien », on comprend mieux pourquoi.
J’en connais deux-trois, dont le prénom ne faisait pas l’unanimité jusque-là, qui vont repartir regonflés à bloc.

Vous vous dites : rien de tel qu’un bon vieux radical indo-européen pour irriguer tout ça. On ne peut rien vous cacher. Swer- (car c’est bien lui) charrie où qu’il passe l’idée de « lourd » (qu’on remet tout de suite en allemand : schwer, « pesant, grave »).

Là oùsque ça devient coton, c’est que le verbe anglais to swear (« jurer ») suinte aussi de swer- qui, dans ce cas-là, signifie « parler ». Et quand on jure sur le Saint Suaire, c’est qu’on est grave sérieux. Si vous pensez que je vous raconte des craques, ma réponse tient en un mot : answer. Encore un sermon là-dessus ou ça suffit comme ça ?

Merci de votre attention.