Comment choisir son aphrodisiaque ?

 

De même que tout est politique, tout est aphrodisiaque – s’il faut en croire ceux qui sous le manteau vous le présentent comme tel. Méfiez-vous, un bon vendeur à la sauvette est capable d’écouler n’importe quelle camelote pourvu qu’elle se pare des vertus susnommées.

Et il y en a de toutes sortes, histoire de contenter Monsieur et Madame. Notez que neuf fois sur dix, c’est Monsieur qu’on charge de faire grimper Madame au rideau. Ceci tient sans doute au fait que le vendeur est rarement une vendeuse.

Quant à vous, membre de la « communauté LGBQT », passez votre chemin : c’est bien connu, vous n’êtes pas concerné(e).

 

Si vous êtes porté(e) sur la chose, point n’êtes-vous pour autant spécialiste des petits coups de pouce du destin. Comment savoir avant de l’essayer si la marchandise (qu’en temps normal vous jugeriez inoffensive) aura le moindre effet sur les ngolo-ngolos à venir ?

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en bonne poire civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  L’aphrodisiaque se présente généralement sous forme de plante ou d’aliment. Si l’on vous parle des phases de la lune, c’est sûrement au figuré.

♦  En vue de votre daube dominicale, exigez du boucher qu’il ait du lapin australien, réputé plus chaud encore que ses congénères continentaux.

 

♦  Si l’on vous propose un vieux frigo pour pimenter les préliminaires, il est fort probable qu’on cherche en réalité à vous le fourguer en désespoir de cause. Vérifiez au moins l’état des clayettes.

 

♦  Une vitrine ou un miroir de poche suffiront, dans lesquels vous vous mirerez avec votre tourtereau. Dans le cas contraire, faites, sinon vie, du moins chambre à part et restez bons amis en souvenir du bon temps.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Obsolescence progra

 

Mais ?! Eeeeh oui : il va déjà falloir en racheter une autre, de merde. Ne venez pas faire les étonnés, vous aviez acquis celle-là en toute connaissance de cause.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A l’achat, le vendeur de merdes ne commence-t-il pas par vous proposer une extension de garantie au-delà de la mort présumée de la merde ?
Sa franchise l’honore. C’est tout juste s’il ne vous donne pas rencart pour les obsèques.

 

L’obsolescence d’une merde, à première vue, n’est programmée que pour le juteux bénef qu’engendrera son renouvellement.

Dans ce cas, pourquoi les fabricants de merdes s’arrêtent-ils en si bon chemin ? Rien ne les empêche de pousser la logique. Et de s’arranger pour que la durée de vie d’une merde n’excède pas la semaine prochaine. Chiffre d’affaires multiplié par [censuré].

Au passage, qui dit merdes à refabriquer dit travail pour les niakoués tout le monde. Cet argument vertueux reste heureusement dans les cartons.

 

Car la véritable vertu de l’obsolescence programmée, la voilà : tout ça, c’est pour notre bien.

Si l’écrasante majorité des objets mis sur le marché est en CDD, c’est pour nous rappeler :

  1. que tout va trop vite et qu’il faut profiter pendant qu’il est temps.
  2. que rien n’est jamais acquis. L’objet nous lâche ? En un sens, tant mieux : pas le temps de s’attacher, adieu valeur sentimentale, fini le déchirement causé par sa perte.
  3. qu’il est dans l’ordre des choses que nous survivions aux objets, à une époque où les fantasmes d’immortalité vont bon train. Comme il s’agit là d’une autre forme de religion déguisée (rapport à la finitude qu’on ne peut pas trafiquer [ne peut pas souligné trois fois]), l’obsolescence merdique nous rassure sur notre propre longévité.

Enfin merde, c’est quand même pas les objets qui commandent.

Merci de votre attention.

 

Comment chercher une aiguille dans une botte de foin ?

 

Certaines entreprises paraissent insurmontables. Vider la mer avec une petite cuiller, mettre Paris en bouteille, résister à l’apéro, autant de chimères tournées en dérision par la sagesse populaire.
Mais celle-ci ne verse-t-elle pas dans un défaitisme excessif en maugréant : autant chercher une aiguille dans une botte de foin ? Car enfin, si l’aiguille s’est retrouvée là, rien ne devrait vous empêcher de l’en extraire plus ou moins rapidos.

Quant à savoir ce qu’elle y fout, c’est une autre paire de manches – cousues main, au demeurant. On ne voit pas le père Michel perdre son chas (c’est le nom du moissonneur), ni la Marie couche-toi là semer ainsi son nécessaire à couture, tous deux ayant par-dessus le marché pour habitude de retourner les foins torse à l’air.

Ce sera plutôt un sale tour qu’on vous aura joué ; prenez-le comme un défi. Sans compter la valeur sentimentale que vous attachez à cette aiguille en particulier.

botte-de-foin

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en limier civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Un travail de fourmi ? Précisément. Mettez vos meilleures renifleuses apprivoisées sur le coup, elles vous débusqueront n’importe quelle aiguille en moins de deux.

 

♦  Lancez une moissonneuse-batteuse à friction (modèle Majorette) à l’affût de l’aiguille. Naguère fastidieux, l’exercice deviendra tout à fait récréatif, notamment quand le jouet clignotera de tous ses feux en touchant au but.

 

♦  Et le détecteur de métaux ? Il bippera comme un damné lui aussi, une fois déménagé de l’aéroport à la grange.

 

♦  S’il s’agit de retrouver les aiguilles à tricoter de Lucette, celles-là même qui s’entrechoquent le soir au coin du feu (ou au fond des bois quand Marcel gonfle trop Lucette), vous n’aurez aucun mal à les repérer : elles seront fichées dans le foin comme dans une pelote d’épingles en vue des prochaines mailles.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Pourquoi ne pas s’avouer ses sentiments profonds ?

 

Ceux que vous côtoyez ignorent pour la plupart tout le bien ou le mal que vous pensez d’eux. Regrettable autocensure. Certes, la nature de vos relations s’appuie sur une certaine réciprocité des sentiments : si x recherche votre compagnie, ce n’est pas pour vos beaux yeux mais parce que vous lui montrez, plus ou moins savamment, que vous l’appréciez itou.
Ça vaut aussi – et même surtout – lorsque vous ne pouvez blairer la personne. D’expérience, vous vous doutez que ce khôn d’y ne vous porte pas non plus dans son cœur. Vous en tireriez fierté d’ailleurs, si une mutuelle hypocrisie ne vous nimbait de honte à chacune de ses apparitions.

Or, au comble de la chamade comme au faîte de la détestation, vous aimeriez que les choses soient dites une fois pour toutes et sans détour. Si la politesse, les conventions sociales et autres billevesées vous en empêchent, prenez votre courage à deux mains et mettez les pieds dans le plat, votre main dans sa gueule, votre bouche dans la sienne – libre à vous.
Pour radicale qu’elle puisse passer de prime abord, votre petite mise au point vous vaudra à coup sûr l’admiration de tous, à commencer par celle de l’autre.
Mais, pour que votre franchise ne soit pas mal perçue, sachez vous entourer de précautions.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en puits de sincérité civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Il arrive qu’exprimer tout à trac votre transport laisse votre interlocuteur de marbre. Communément appelé « râteau », cette (absence de) réaction permet au moins de lever tout malentendu et de pouvoir le cas échéant passer à autre chose.
A l’inverse, il se peut que votre vis-à-vis s’étonne que vous déblatériez à son sujet car lui vous estime au plus haut point. Dans ce cas, pas de mauvais réflexe : au lieu de bredouiller que vous n’en pensiez pas un mot, allez jusqu’au bout et intronisez-le boulet sur-le-champ.

rateau

♦  Si c’est un gros balèze auquel vous adressez vos remontrances, assurez-vous, avant d’entamer les hostilités, qu’il soit bien attaché et/ou tenu à chaque membre par des comparses ayant suffisamment petit-déjeuné. Privilégiez pour votre coming out le jour où vous le croiserez pour la dernière fois de votre vie, afin qu’il ne retrouve pas votre trace.
Idem si vous en pincez pour la femme du gros balèze.

 

♦  Si vous vous apprêtez à déclarer votre flamme à un sourd, révisez votre langue des signes. Sans quoi vous risquez, à l’instant fatidique, de confondre « je me consume d’amour » avec « tu me sors par tous les trous ».

 

♦  Enfin, il est si simple de changer de banquier ou de garagiste qu’eux aussi méritent d’entendre leurs quatre vérités. Mais sachant qu’il ne vous reste qu’une mensualité pour le prêt de la bagnole, faites-les mariner jusqu’au mois prochain.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

« Démoustiqueur »

 

Voilà un nom de super-héros comme on les aime. S’il ne garantit pas que l’héroïne succombe aux charmes de celui qui le porte, du moins son évocation suffit-elle à épouvanter les pompe-globules à trois rocades à la ronde.
Ce qui vaut déjà son pesant de gloire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est évidemment sur les bidons de liquide lave-glace que l’on voit fleurir la mention « démoustiqueur », surtout à la belle saison. Une enquête est en cours pour déterminer à quelle époque elle a bien pu apparaître. A fortiori sans que quiconque ne s’en offusque.
Est-ce à dire que, jusque-là, ces gros benêts de lave-glace ordinaires se contentaient d’évacuer à grandes eaux les cochoncetés de votre pare-brise sauf les moustiques ?

 

Considérons la fin tragique du moustique s’échouant à grande vitesse sur le plexiglas. Après l’acte de décès en bonne et due forme, vous conviendrez que n’importe quelle solution vendue sous le nom de « lave-glace » balaye tripes, boyaux et le reste du saint-frusquin en un temps record ?

 

La Grosse Distribution escompterait-elle nous faire croire qu’il y aurait sur le marché des lave-glace « démoustiqueurs » et d’autres non ? Ou nous prend-elle par les sentiments avec ce « démoustiquage », néologisme rageur s’il en est, jouant sur le principe du « ça va mieux en le disant » ?

Vivement les aspis « anti-acariens », qu’on se marre de plus belle.

Merci de votre attention.

 

Hein

 

Fascinant hein. A l’onomatopée, au pur réflexe, à la nasalité la plus ahurie (« hin »), il a plu à la muse d’adjoindre cet étrange e, quand les Zanglais sont allés comme d’hab au plus court avec leur « huh ? ». Oh ! Hé ! Hein ? Bon.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Frein, plein, blanc-seing, enfreindre, peindre, teindre, a- et restreindre, sans oublier le fameux polyptyque éteins-étreinte-tes reins-tes seins-enceinte : pour leur e, nos mots en ein ont tous un motif valable. S’ils n’en ont pas hérité direct du latin, ils se le seront vu offrir par un moine copiste payé à la lettre. Mais si fantaisiste qu’il ait été, quel calligraphe a bien pu mettre noir sur blanc hein, ce mot de l’oralité par excellence ? There is more than meets the eye là-dessous, comme disent les Zanglais décidément fortiches en expressions idoines.

 

Hein fait son entrée dans le dictionnaire en 1835. Au prix de contorsions dont on ose à peine vous entretenir.

Bien des années plus tôt, dans la VO du Roman de Renart, on relève par exemple « ahenc » :

A tant li tendi le harenc ;
Primaut le prist et dist : « Ahenc,
Bien puisses-tu estre venuz ! (…) »

Sous-titres :

Il lui tend aussitôt le hareng ;
Primaut le prend et dit : « Ah !
C’est bien que tu aies pu venir ! (…) »

Ce ah ! avant la lettre débaroule donc attifé en ahenc pour une sombre histoire de poiscaille. Seulement, comme l’étymo, c’estions point une soirée déguisée hein

Il semble que le mot ait pour véritable ancêtre « hen », qui à compter du XVe siècle se dit en guise d’imprécation ou de relance pour l’interlocuteur. Il faut attendre 1724 pour le croiser sous sa forme actuelle chez Marivaux, non sans être passé par « heim » fin XVIIe. M final tout sauf incongru si l’on se tourne vers l’interjection « hem », sur laquelle les latinistes projettent (mais comment le sait-on ?) toute la gamme des sentiments, de l’effroi jusqu’à l’heureuse surprise et pourquoi pas l’éclaircissement de la voix hum le fond de l’air est frais ah la la y’a plus d’saisons.

« Moi ! Moi ! », trépignent alors les spécialistes de l’ancien français. Et de proposer, doigt levé, l’autre main soutenant l’aisselle, « ainz, ains, einz ». Bien que l’adverbe ait signifié pendant 500 ans « mais, plutôt que » (= « plus tôt que », du latin ante, « avant »), ains et hein font deux, j’en ai bien peur.

 

Quoi qu’il en soit, hein nous sert de « particule pragmatique », comme disent les linguistes acharnés. On en parsème ses discours dans l’attente d’un assentiment plus ou moins explicite de la cantonade :

Hein qu’on est bien ici ?

Les statistiques montrent qu’il se trouve toujours, dans notre cercle de connaissances, au moins un bègue du hein, qui, hein, probablement manque hein de confiance en lui, hein, suite hein à une carence affective, hein, qui sait ? Aussi, faisons-lui un poutou, au lieu de le charrier.

Merci de votre attention.