Un jour sans et nous nous lamentons : « c’est la loose ». Quoique très parlante, c’est la loose, cette expression.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Inutile de traduire le verbe grand-breton d’origine, to lose. Pas plus que loser : on ne connaît que lui. Dans ces conditions, comment ledit loser peut-il voir ses états d’âme gratifiés d’un second o qui n’a rien à foutre là ? La loi des séries.
Là où le bât blesse, c’est que « loose » prête le flanc au contresens. Dans la langue de Shakespeare, loose l’épithète signifie « relâché » (en parlant de muscles ou de mœurs), calqué sur le verbe to loose, « desserrer, dénouer » (un lacet). On peut aussi dire to loosen.
En forêt de Sherwood, lors du rite secret de la substantivation, loose(n) devint looseness, « relâchement ». Lose, lui, s’est mué en loss, la « perte ». Rien qui, de près ou de loin, ne ressemble à notre « loose » informe.
Par conséquent, « avoir la loose », c’est se tailler une réputation de loser en langues vivantes.
Jusqu’à ce genre féminin, celui de poisse, déprime et mauvaise passe. Mais quid d’échec, abattement ou ridicule ? L’influence des cousines bouse, pelouse, tantouse et anacrouse sans doute. Remarquez que ni douze ni partouze n’ont de genre bien défini, étant ouverts à tout ce qui se présente.
La question est : pourquoi ne l’écrit-on pas lose ? De peur de confondre avec le verbe ? Point point : parce qu’il y en aurait toujours pour prononcer [loz]. Mais écorche-t-on shoes ? En tout cas, on ne prononce jamais « chose », trop occupé à dire [tch] comme des pieds. Essayez avec shampooing, pour voir.
Tenez, c’est choose qui nous enduit d’erreur, comme d’autres mots du cru partageant la double voyelle ululée : foot, good, cool, school. Sans parler de shampooing.
Lose est un spécimen rare. Ne causons pas sa perte en bafouant son intégrité phonétique.
Merci de votre attention.