Louper

 

Louper : verbe familier depuis la plus tendre enfance. Davantage que ses synonymes manquer et rater, certes. Mais toutefois moins que foirer, merder ou le lorrainisant zabler, lequel donne lieu à de cocasses allitérations :

J’ai zablé la pâte sablée.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Louper dédramatise. Au constat d’échec qu’il dresse, on est souvent tenté d’ajouter « c’est pas grave ».

Sa silhouette élégante est due tout khônnement au loup, mes loulous. Il faut dire que la pauvre bête n’a pas bonne presse. On l’accable de tous les maux, lui colle du péjoratif à tout-va. Que ce soit en médecine (« lésion cutanée ulcéreuse »), au sein de considérations météorologiques (« un froid de loup »), au théâtre (« lacune, trou »), chez les bricoleurs (« pince pour arracher les clous »), dans le textile (« appareil à grosses dents métalliques servant à battre et briser la laine »), en technique (« malfaçon, défaut ») et plus particulièrement dans la sidérurgie ah Lorraine quand tu nous tiens (un « loup de fonte » : masse minérale mal fondue qui risque de provoquer une obstruction et la gueulante du chef).
Tant et si bien qu’au XIXe, les typographes entendaient par « louper une pièce » « mal exécuter un travail ». Depuis 1915, le verbe signifie plus généralement « manquer à la suite d’un retard ». Et quoi de pire que de louper son bus, je vous le demande ? Louper le suivant.

Les acceptions de loup au sens de « malfaçon » se sont vues supplantées par le substantif loupé (par analogie avec raté sans doute) :

Sa carrière a connu des loupés.

Ce loup au figuré, les bons dicos se tuent à le dire, relève probablement « de la notion de manque, de tort qui découle de celle d’agression, de rapacité » qu’on attribue à l’animal à travers les âges et les continents.

 

Suivons les traces du lupus à la loupe : on a tôt fait de tomber sur l’indo-européen commun wlp-/lup- qui a accouché à la fois de notre loup et du wolf des Anglais/Teutons (via le proto-germanique wulfaz).
Une internationale lupiforme qui a le mérite de nous rappeler qu’à, à, à la queue-leuleu, tout le monde s’éclate.

Merci de votre attention.