Aussi casse-bonbon que le café deux fois sucré, la tondeuse du dimanche matin et le sachet qui lâche réunis : la date frappée du sceau de son siècle.
Mode vouée à disparaître dans les oubliettes de l’Histoire ? Accélérons le processus. Refaisons dix-sept-cent-quatre-vingt-neuf.
Mais d’abord, revenons à nos moutons, moutons.
De 100 à 900, on ne peut pas faire autrement. A partir de l’an Mil, d’aucuns, que la vieille terreur millénariste chipote encore (le nom savant de cette phobie, quelqu’un ?), gardent leur boulier des centaines. Et n’en démordent plus : onze-cents, douze-cents…
Ben-voyons-mon-cochon.
Et pas la peine d’évoquer pour leur défense la Simca Onze-cents (ce vieux tas de tôle), digne héritière de la Simca Mille (ce vieux tas de tôle mais plus).
Coquetterie ? Caprice, oui !
Le truc ne s’applique en effet qu’au premier millénaire. Boâh, on peut à la rigueur trouver à quinze-cent-quinze-Marignan des charmes mnémotechniques. Ce sont bien les seuls. Depuis que l’an 2000 a déboulé, on en connaît qui se retrouvent bien enquiquinés. Pour l’instant, on ne s’en rend pas trop compte mais enfoncez-vous bien dans le crâne que dans cent ans, pour les historiens, nous serons en vingt-et-un-cent-quatorze.
D’ailleurs, enquérez-vous de leur date de naissance, à ces puits de science. Stratagème exactement inverse : l’élision des deux premiers chiffres. Et hop ! gommé, le poids des ans.
Je suis de 37.
Mais mon confrère est de 36, comme le Front Pop !
vous balancent-ils d’un air entendu. Et c’est reparti comme en 40.
Voyez la lâcheté du nistorien ? Certes, l’affaire fonctionne en cas de relative contemporanéité (aujourd’hui, on cause bien). Nous tous ou presque avons un pied dans le XXe siècle. Il ne viendrait à l’idée de personne de préciser quelles « années 60 ».
Ça passe encore de justesse pour le siècle précédent (« la guerre de 70 »).
Mais revenus au XVIIIe, il faut un événement particulièrement marquant, ou la rambarde d’un contexte, pour synchroniser nos montres. Rôbintiens : 89, justement. La Révolution ? Ou son bicentenaire ? Sachant qu’en sus, 1989 fut un millésime exceptionnel sur le plan historique, on n’est pas aidé.
Que les spécialistes (et même les non-spécialistes) raisonnent à l’échelle du siècle pour des raisons pratiques, très bien. Mais de grâce, basta avec ces lubies numérales.
Merci de votre attention.