Comment se ranger par deux dans une classe à nombre impair ?

 

Sitôt la récré finie, la maîcresse vous enjoint à vous mettre en rang deux par deux. Or, tous les préaux abritant des effectifs impairs, la manœuvre est vouée à l’échec une fois sur deux.
Passons sur le malentendu dans le cas où vous vous appelleriez Depardieu et où vous prendriez toute la place hein quoi qu’est-ce qu’y a.

Ne pas faire de vagues, vous ne demandez pas mieux, à condition que les maths y mettent du leur.
Discipliné, d’accord. Bête, non.

Comment faire comprendre que vous n’êtes pas moins sociable que les autres ? Et que vous ne méritez ni d’être mis(e) à l’index ni de devenir l’objet de la vindicte ? Encore plus cruel que les chaises musicales, comme situation.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en mouton noir civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Exigez du rectorat que tous les effectifs soient pairs. Ça a l’air impossible mais il suffit de faire passer un élève d’une classe impaire dans une autre pour obtenir deux classes paires (et bien rangées).

 

♦  Faites un roulement. Vous donnerez la main à un voisin différent chaque fois, ce qui vous ouvrira des perspectives quant à vos futures conquêtes.

 

♦  Pour la maîcresse, cette histoire de rang est moins une manière de mesurer son autorité que de recompter ses ouailles. Vous lui faciliterez la tâche en rompant ostensiblement la symétrie, signe que le compte est bon. Attention, ruse improductive si tous vos petits camarades en font autant.

 

♦  Epatez tout le monde avec votre science des divisions. Si la classe compte 27 éléments, rangez-vous 2,076923076923077 par 2,076923076923077 ou 1,928571428571429 par 1,928571428571429.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Torviettes, serchons

 

Silence. Pitié pour le brave qui tente d’additionner des quarts d’heure en vue d’un total horaire qui tienne la route.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

La somme de 2h15 + 5h30 + 2h45 ne saute certes pas aux yeux.
A défaut d’une formule toute faite, deux écoles s’affrontent :

Séparer les blancs des jaunes.
Les quarts d’heure d’un côté, les heures de l’autre. L’inconvénient avec 9h90, c’est qu’il faut encore incorporer délicatement à la fin. Et par paquets de 60 sinon c’est raté.

Grimper palier par palier.
   2h15
+ 5h30
   7h45

+ 2h45
 10h30.
Les petits cumuls s’y prêtent bien. Mais s’ils tirent en longueur ? Gobez-les cul sec, sans quoi la tournée d’Aspégic est pour votre pomme.

 

Tout ça parce que les unités s’imbriquent comme des poupées russes.

Si les heures se suivent et se ressemblent, les minutes y sont limitées à 60, c’est le système sexagésimal qui veut ça. Libre à vous de repartir avec « sexagésimal » sous le bras ce jour.

Car la seconde est à la minute ce que la minute est à l’heure : une durée définie pour arranger tout le monde. Imaginez qu’1 minute équivale à 61 secondes. Ou à 1h47. Ou à une nuit de débauche.

N’escomptez donc pas, pauvres pécheurs, un résultat blanc ou noir en ajoutant de l’absolu (heure) à du relatif (quart d’heure).

 

Dans la même veine, à moins de penser H24, bon courage pour convertir des heures en journées.

Et les mois ? Font ce qu’ils veulent dans la vie, ceux-là. Un coup à 30 jours, un coup à 31, parfois deux fois de suite (pour ménager les susceptibilités d’augustes empereurs oubliés). Y’en a même à 28. Et à 29 mais seulement tous les quatre ans.

Malgré tout le mal qu’on se donne, on n’a pas prise sur le temps.

Merci de votre attention.

 

Enregistrer

 

C’est pas le tout d’appuyer sur Rec (sans oublier Play, sinon ça marche pas) : enregistrer dérive d’un long processus. Consulter les registres nous aidera sans doute à y voir plus clair.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il va sans dire qu’enregistrer, c’est conserver en mémoire. Via des 0 et des 1, sur bande ou directement dans notre propre cervelle, ce garde-manger épatant.
Mais l’acte sacré de l’enregistrement (symbolisé par une loupiote rouge intimant le silence dans les studios dédiés) consiste à littéralement « mettre dans un registre ».
Lequel, au XIIIe siècle, est intégralement copié sur registrum, lui-même altéré du pluriel latin regesta, « listes, matières enregistrées », autrement dit un catalogue, échappé du participe passé de regerere, « reporter, ramener », au sens propre « prendre avec soi et porter ailleurs ». Verbe dont le radical gerere nous ramène à gérer/gestion (« porter »), gestation (« portée ») ou encore geste (« chose portée » d’où « comportement »). D’autres suggestions ?

enregistrer2

Aux Stazunis comme au Commonwealth, to register a d’ailleurs pris le sens de « s’inscrire ». Curieusement, enregistreur s’y dit recorder (‘souvenez de la touche Rec tout à l’heure ?). Au point que les « disques » sont là-bas des records. Rotondité du support vs chose enregistrée. Forme et fond, c’est vieux comme la musique.

 

Quant à l’inverse d’enregistrer, il s’agit non de « déregistrer » (ce serait trop beau) mais d’effacer. Z’allez rire, ce dernier signifie au pied de la lettre « enlever de la face ». Les disques n’étant plus ce qu’ils étaient et comportant désormais une seule face, dites-vous bien qu’à chaque fois que vous effacez un CD vierge réinscriptible pour réenregistrer par-dessus, le sacré en prend un coup.
Le pire des sacrilèges consistant bien sûr à le laisser traîner tout déguenillé sans pochette n’importe où. Bien enregistré ?

Merci de votre attention.

 

Fulgurance #74

On ne parle pas la bouche pleine. Très éventuellement, est-ce qu’on ne pourrait pas se taire la bouche vide ?