Les moyens mnémotechniques

 

Du fond de notre semoule, doit-on vraiment fondre de gratitude envers celui qui, pour vous en extirper, vous donne un moyen mnémotechnique ? Qu’il n’hésite pas à qualifier de « bon » une fois sur deux, comme s’il vous servait la panacée sur un plateau.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ça ne veut pas rentrer. Qu’à cela ne tienne : un moyen mnémotechnique vous tirera d’affaire aussi sûr que deux et deux font cinq.
Voyez comme le moyen en question se hausse du col, puisqu’il ne se dit pas « mémotechnique » mnais « mnémo- ». Comme dans amnésie, ce qui est un très bon moyen mnémotechnique.

 

Trêve de billevesées. Quand on croit retenir quelque chose grâce à une astuce, on ne retient en réalité que l’astuce.

Car où s’arrête la mnémotechnie ? Personne ne confond la gauche et la droite, quoi qu’on en dise. Du jour où vous les avez conceptualisées, c’est devenu un réflexe. Aucun moyen mnémotechnique ne peut se substituer à ces sensations-là.

C’est le cœur du problème, d’ailleurs. Soit c’est intégré à vie, soit il faut en passer par des voies détournées. Quel constat d’échec !

 

Pour la stalactite et la stalagmite, c’est moins grave. Hormis les spéléos, qui peut se targuer de les distinguer sans moyen mnémotechnique ? Notez que celui-ci vous permettra de briller en société à double titre : non seulement vous étalerez votre science mais, ce faisant, vous dévoilerez le truc à vos hôtes subjugués (tite avec un t comme tomber, mite avec un m comme monter).

 

Et que dire du savoir universel qui tient dans la poche (sur mode vibreur, au cas où vous ne l’auriez pas reconnu) ? Un nom sur le bout de la langue ? Deux-trois mots-clés vous délivreront d’une réflexion qui, il y a encore quelques berges, aurait duré des plombes. Et vous aurait, mousse aux lèvres et frustration au dernier degré, rendu fou.

Ne vous raclez plus la soupière, tapotez. A défaut de culture générale, vous aurez au moins sauvé la face jusqu’au prochain trou de mémoire.

Merci de votre attention.

Montre à mails

 

On connaissait l’amour à mort, la mouche à merde, voici la montre à mails. Pompe un temps précieux et fait dzzzz tout pareil quand elle se manifeste.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

L’heure locale étant désespérément la même pour tous, le blaireau a désormais la possibilité de se distinguer en s’enchaînant se connectant au monde par le poignet. Le laissant juge, à chaque décharge électrique vibration (faudrait surtout pas louper un spam), de l’importance d’une notification qu’il ouvrira plus tard sur un autre appareil adapté.
Notez qu’il lambinera toujours autant pour répondre à ses messages. Mais au moins, le joujou, il l’a. Et il a suffisamment raqué pour.

 

Ainsi lui suffit-il de chuchoter au cadran pour allumer la lumière de son doux foyer au moment où il franchit le seuil. Alors qu’en économisant de la salive de blaireau, il aurait déjà appuyé sur l’interrupteur. On n’arrête pas le progrès.

 

C’est dire comme la montre à mails simplifie la vie, avec des tas d’applications tellement pratiques qu’elles se trouvent aussi dans le téléphone du blaireau, qui n’en utilise pas les trois quarts.

Pour pas qu’il se doute, la fonction téléphone est elle-même incluse. Comme ça, quand le blaireau sent qu’on l’appelle sur son bracelet, il va ni une ni deux chercher son téléphone pour causer dedans.

 

Oui bon, les fabricants conviennent eux-mêmes des limites de leur couteau suisse. La taille de l’écran notamment. On laisse à penser ce que donne là-dessus la lecture d’un itinéraire ou d’un billet de blog au hasard.

Vivement la technique qui fera doubler le poignet de volume. Pour le cerveau, ça risque d’être un peu plus long.

 

Plus les montres nous prennent du temps, moins elles donnent l’heure.

Merci de votre attention.

 

Illimité

 

Pour écouler leur camelote, les cameloteurs ne connaissent plus de limites. Argument massue : promettre de l’illimité. A toute heure du jour et de la nuit.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Du temps où les prouesses technologiques n’étaient pas encore ce qu’elle sont, c’est-à-dire hier soir tard, le téléphoneur lambda soupesait encore les forfaits qu’on lui proposait. Forfaits que certains opérateurs avaient baptisé « formules », tant il fallait de jus de méninge pour les résoudre : plutôt 4h + x avantages ou 2 x 2h + y points ?

Passée à la postérité, l’expression « forfait illimité » ne nous fait même plus éclater de rire. Voilà qui est rageant, les occasions de se taper sur les cuissots se raréfiant promptement.

Rôh mais si : un forfait, par définition, est un prix immuable. Au-delà duquel nous commençons à raquer.
S’il est illimité, comment pourrait-on le dépasser, hein ? hein ? vous qu’êtes si malins ?

Sans compter que, tout à nos connexions zininterrompues, on feint d’ignorer la limite ultime : celle de l’espace et du temps. Même avec le plus illimité des forfaits, vous ne pourrez discuter le bout de gras sous une autre latitude plus de 24h par nycthémère – et je vous conseille de rester polis.
Pouffez pas ; certains ne se débranchent même plus, faisant peine à voir.

 

De même, l’on se précipite sur un « buffet à volonté » comme si la sous-nutrition jusque-là nous guettait. Sauf que 1) la boustifaille qui s’y étale mérite rarement qu’on fasse bombance, 2) quand y’en a plus, y’en a plus, z’aurez beau vouloir.

 

Semblant d’explication. Etant donné que l’Eternité n’a plus la cote, l’Illimité permet de récupérer les brebis zégarées. En jouant sur la peur du manque – sans piger que c’est ce dernier qui crée l’envie (faut déjà être nouille).

Ainsi, persuadés de vivre de ressources illimitées et encore marqués par deux ders des ders et le rationnement qui s’ensuivit, nous adhérons sans réserve au mythe d’une profusion qui n’a d’infini que le nom.

Le vrai, lui, brille tous les soirs au-dessus de nos têtes.

Merci de votre attention.

 

Bactériologie

 

Le smartphone et nous, suite : quel Léonard aurait pu imaginer qu’en faisant ça avec le doigt (ou même ça), l’écran réagirait comme un fidèle toutou ? Même les plus blasés restent éberlués en secret de pouvoir à ce point commander la machine. Avec pour corollaire un état dégueulasse après utilisation.
Qu’un tel miracle côtoie l’innommable, ça ne vous débecquette pas un chouïa ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Nous l’avons tous dûment constaté, le revêtement des écrans tactiles est conçu pour n’y glisser/zoomer qu’une seule fois tout schuss. En effet, dès que vous reposez le machin à la lumière, vos empreintes apparaissent par couches superposées à faire pâlir d’envie la scientifique. Songez qu’en sus d’y mettre les paluches à longueur de journée, vous vous le collez à l’oreille. Les bactéries se mitonnent des noubas d’enfer.

 

Evidemment, la manipulation directe de jambon ou de confiture est à éviter. L’hygiène la plus élémentaire nous contraint cependant à faire place nette quasiment à chaque empoignade, grâce à des mousses de nettoyage qui valent aux fabricants des gonades plaquées or.
A croire que ceux-là sont de mèche avec les magnats de la téléphonie.

Car comment une technologie aussi avancée peut-elle encore buter sur ce hic ?

Dans votre habitacle au moins, un coup de lave-glace et ça rebrille !
(Encore que, n’exagérons rien, il reste toujours un triangle tout en bas, exclu de la course des essuie-glace ; inamovibles Bermudes dont aucun compas industriel n’est encore venu à bout.)

 

Sans doute pourra-t-on sous peu balayer l’écran et notre petit caca papillaire du même revers de main. Mais en attendant ? Gants ? Patins digitaux ? Une charlotte pour les écoutilles ?

Constructeurs, ça urge. On dit ça, c’est pour vous ; au train où vont les choses, estimez-vous heureux qu’aucun ressortissant zaméricain ne vous ait assignés en justice pour avoir contracté le coryza de son voisin.

Merci de votre attention.

 

Sur les pavés la plaie

 

Si vous lisez ces lignes à même le smartphone, rangez-moi ça deux secondes et écoutez celle-là : en Nipponie, on construit des trottoirs dédiés aux drogués de ces khôchonneries. Pour « communiquer » zen, sans doute.

Mais revenons à nos hitsujis, moutons.

Sans verser dans le vieux-khônnisme à tout crin, si l’individualisme était galopant, il a fini sa course. Pour venir s’échouer sur ledit trottoir.
Les études l’ont montré, la trajectoire du tapoteur intempestif recoupe celle de l’homme bourré. Souriez, souriez ! Les urgentistes, eux, ne rigolent plus du tout à force de devoir rafistoler les blaireaux tombés dans l’escalier faute de décoller le nez de leur joujou.

Depuis l’invention du walkman – une paille -, on ne s’étonne plus de rien. Si la technologie permet de flâner dans sa bulle, pourquoi ne pas en profiter pour signifier « j’emmerde mon prochain » dans l’espace public ?

 

Mais, outre le coût de l’infrastructure, hors même de toute considération sociologique, l’affaire est débilos à plusieurs titres :

– elle limite les zaccidents avec les piétons normaux, certes. Mais quid des blaireaux qui viennent en face ? Ils se font tout autant rentrer dans le lard. Prochaine étape : des routes spéciales blaireaux, à collisions mutuelles.

– emporter tous ses contacts avec soi en vue de leur tapoter de partout est une perspective alléchante. Mais en mettant un pied devant l’autre ? Impossible. Un texto écrit à l’arrêt, c’est déjà pas toujours beau à voir, alors en mouvement ! Z’aurez beau goudronner exprès, on ne défie pas impunément toutes les lois de l’univers.

– pis de surcroît, c’est en battant le pavé que le cerveau s’aère. Si à leur âge les Nippons n’ont pas compris ça hein, c’est que l’idée des trottoirs leur est venue en tapotant.

 

D’ailleurs, à l’heure où nous mettons sous Press, ils sont en pleine année du mouton.
En voilà une qui tombe à pic.

Merci de votre attention.