Comment raccrocher au nez d’un institut de sondage ?

 

Comme si les instituts de sondage avaient un nez. Et pourquoi pas du flair, hein ? ’Tendez un peu avant de rigoler, la principale absurdité arrive de suite.

Jugez plutôt : alors que vous avez toujours pris soin de ne figurer dans aucun annuaire (car « ne jamais parler à un inconnu » était la consigne), qu’il vous semblait par ailleurs avoir coché toutes les options de confidentialité censées tuer dans l’œuf toute tentative de démarchage, un institut trouve le moyen de vous déranger, à midi deux, pour s’enquérir de ce que vous regardez à la télévision, quel type de lave-linge vous chérissez ou pour quel candidat vous iriez voter dans trois piges si toutefois il se présentait.

Si la chose ne s’est jamais produite, c’est que votre bonne étoile deviendra bientôt supernova tant elle darde. Il se peut aussi que vous n’ayez pas le téléphone (ce qui vous épargne d’autres khouillonnades intempestives, mesurez bien votre chance).

 

Vous faites donc partie de l’« échantillon représentatif ». Gigantesque morceau de flan qu’il était grand temps d’attaquer par la face nord : nous y voilà.

Le concept part du principe que puisque vous avez tel âge, tel appareil génital, tel lieu de résidence et que vous exercez telle profession, votre parole et celle du millier de péquins interrogés vaudra au nom de tous les compatriotes (étant donné que « ne jamais généraliser » était la consigne, vous ne savez plus à quel saint vous vouer, vouais).
Péquins dont on comparera d’ailleurs l’avis à celui de mille autres plus tard (mais toujours en parlant des mêmes « français » hein) en vue de savants graphiques sur l’« évolution de l’opinion ».

S’est-on jamais autant poilé, entre nous ?

sondage

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en entubé sondé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  A peine prononcé le nom de l’institut, friture sur la ligne. AlloaaaahjenevousentendsplusdésolééééééHOP !

 

♦  Si les scrupules vous assaillent, jouez franc jeu. Lorsque le sondeur vous demande avec une politesse surette si vous auriez quelques instants à lui accorder, répondez par la négative car la cuisson du risotto ou de la polenta ne souffre aucun dérangement.
Méfiez-vous : si l’autre est teigneux, il tentera d’embrayer sur vos marques préférées.

 

♦  Faites remarquer à votre interlocuteur qu’au petit jeu du « pas du tout satisfait/un peu satisfait/plutôt satisfait/très satisfait » vous excelliez déjà avec des marguerites mais que ça vous est passé.

 

♦  Comme dorénavant on ne vous la fait plus, objectez que l’échantillon vous semble trop réduit pour un sondage politique et suggérez une consultation à plus grande échelle, et pourquoi pas à taille réelle.
Quoique crotte : ça existe déjà. Des « élections », ça s’appelle.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Cote de popularité

 

Quand on n’est point occupé à se mirer sous toutes les coutures, nous nous demandons avec angoisse comment les autres nous trouvent. Pour varier les plaisirs, on a donc installé une glace sans tain, appelée cote de popularité, entre les personnages publics et nous. Les sondageux, relayés par les journaliers (ou l’inverse), seraient si tristes si on leur confisquait. Oh le gros chagrin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Comme l’instrument n’a qu’un trou, l’aversion ou la sympathie qui s’en échappent sont assez brutes de décoffrage :

Avez-vous une bonne opinion d’untel ?

Au point qu’assister à un record d’impopularité est devenu un motif de délectation à part entière :

L’action du gouvernement n’est plus soutenue que par 22% des Français.

Au passage, puisque vous non plus ne vous souvenez pas avoir été consultés sur la question, il doit plutôt s’agir de 22% du millier de péquins qu’on a emmerdés sondés à l’autre bout du fil. Mais nous y reviendrons car c’est un gros morceau – sans doute le plus monumental morceau de moutonnerie ici-bas, mes moutons (de suite après les anges et les démons).

 

Et puis, hein, popularité, ça devient vague comme notion. Robert est catégorique :

Fait d’être connu et aimé du plus grand nombre.

D’ailleurs, pour remettre les pendules à l’heure, il conseille d’aller voir à célébrité, gloire et renommée. Z’avouerez qu’accolée à sa cote, popularité snobe l’aspect « notoriété » en bloc.

Chez les politiques, si un autre Robert, Badinter celui-là, avait dû attendre qu’une cote de popularité légitime ses vues, la guillotine couperait encore des gars en deux à l’heure qu’il est. On connaît même des chanceliers qui ont fait fureur et dont la popularité nous a valu quelques déboires (« autogaffer », dit-on dans ces cas-là).

 

Course à l’audimat, pouces levés comptabilisés par un rézosocio dont le nom et l’intérêt m’échappent… de la petite bibine comparée à la cote de popularité que les médias appliquent matin, midi et soir aux élus du peuple.
Auxquels ils reprochent, dans leur incurable schizophrénie, sinon leur populisme, du moins de vouloir plaire.

Merci de votre attention.