Cicatrice

 

Marque laissée par une blessure ou une plaie après la guérison.

Sans trahir cette définition, croûtes, ridules, pattes d’oie ne sont-elles pas elles aussi, dans leur genre, des cicatrices ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

L’adjonction répétée de l’épithète vilaine n’entame en rien la majesté de cicatrice. De fait, nous passons notre temps à cicatriser jusqu’à obtention d’une cicatrice – à condition que le bobo soit cicatrisable.

Cuistots, apprenez aussi que cicatricule désigne la

petite tache blanche sur le sommet du jaune des œufs d’oiseaux désignant la place du germe.

Autant dire le germe hein. Ou, synonyme pour synonyme, le blastoderme. Ou cumulus proligère. Ou disque germinatif. Autant de vaines tentatives de parvenir à la cheville de la consœur susnommée.

 

L’étymo est peu diserte au sujet de la belle. Avouons-le : on ne sait pas très bien comment on s’est fait ça. Tout juste la remarque-t-on en 1314. Il faut dire que son sens et sa sonorité sont rigoureusement identiques au latin cicatrix, dont on suppute qu’il signifie à l’origine « bandage, pansement », par accointance avec le verbe cingere (« ceindre »), qu’on a déjà bien cerné.
Pour le reste, il semble qu’il faille s’en remettre à tricae, « tracas », dont sont issus tricher, intrigue, inextricable et l’anglais trick.

Le tout forme un « bandage de blessure » confondant de vérité. Il est vrai que les « bandages juste pour le plaisir » sont réservés aux grands malades.

 

On pourrait croire qu’elle n’est là que pour nous rappeler nos gadins, accidents bêtes et autres moments d’inattention.

C’est oublier que la nature a horreur du vide.
Voilà la raison d’être de la cicatrice.

Merci de votre attention.

 

Récalcitrant

 

Ce rythme entêtant, ce billard vocalique, ces quatre syllabes sur lesquelles on bute comme autant de murs obstinés : admirons aujourd’hui récalcitrant, illustration en mot du théorème selon lequel « les objets sont nos ennemis ».

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Déjà, tout est dans le préfixe. Ce vieux ré-. On le retrouve à l’orée de tif, regimber, refuser, fractaire, rechigner, rebiquer, se rebeller, se rebiffer, bref, tout ce qui nous siste mais pas pour longtemps putain de vérole de va chier de bordel de cul.

En parlant de « regimber », récalcitrant se dit d’ailleurs typiquement des chwaux ou des ânes qui ruent ou se cabrent.
Par extension, tout ce qui est « têtu » ou « indocile » aura de fortes chances – que dis-je ? le privilège – de se voir appliquer l’épithète.

Avec tout ça, on en oublierait presque le verbe, récalcitrer (plus guère usité et quel dommage car pt-pt, comment s’en lasser ?). C’est à lui, en réalité, qu’on doit l’adjectif (attesté en 1551) et le substantif (des membres d’une secte protestante furent ainsi appelés en 1721).

 

Remercions surtout le latin recalcitrare, « regimber » donc, venu appuyer calcitrare de même sens. Le tout dérivant de calx, « talon ». A priori, point ne tiltez-vous : ça n’a rien donné, ça, calx. Calx, je vous demande un peu. On dirait un acronyme, c’est dire si on n’y croit pas.

Et chaussure ?
CHAUSSSSSSSUUUUUURE !
Bon sang mais c’est bien sûr !

Et allez ! Calceare, « mettre des chaucëures, chausser ».
Encore plus net, calcare/calquer, « fouler, presser », autrement dit « faire une empreinte ».
Sans oublier inculcare/inculquer, « tasser du pied » pour bien faire rentrer…

 

Ne voyez aucune ironie dans le fait que vous ne parveniez pas à les enfiler, ces grolles : c’est toujours au niveau du talon que ça récalcitre.

Merci de votre attention.