Oh la belle bleue

 

Ceux qui commentent le spectacle vous en veulent personnellement. Ne faudrait-il pas disposer d’un bâillon ou d’un nécessaire à couture susceptible de leur clore le claquemerde ? Non, car leurs « mmm-mmm » viendraient encore tout gâcher.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Toutes les subjectivités ne se valent pas. Vous n’aurez pas meilleure occasion de le vérifier qu’à portée d’oreille de ces trouducs intempestifs jugeant bon de partager leurs impressions à haute et intelligible voix, au cas où l’auditoire aurait besoin de sous-titres. Inutile de dire que le plaisir muet de la connivence s’évapore sitôt la première platitude flatulée dans votre dos. Les plus teigneux se font fort d’anticiper la scène suivante. Ils vous tireraient du sommeil pour une khônnerie que l’effet ne serait pas plus dévastateur.

 

Car non seulement votre interprétation sera différente de la leur (qui rase les pâquerettes) mais show must go on pendant ce temps-là, comme disait Freddie lippu.
Et puis comme disait Bergson, d’une justesse à filer la chair de poule, quand l’artiste cause, shut up puisqu’il magnifie le réel :

Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, (…) nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes.

 

Face à ces symptômes inquiétants, déjà décelés du reste chez le touriste lambda, il convient de se pencher sur les causes pour que ça cesse, nom d’une pipe en bois.

Avançons l’hypothèse que le commentateur est jaloux de la qualité du spectacle et qu’il met son grain de sel là où il le peut.

Deuxio, sans doute se rassure-t-il sur sa propre compréhension de ce qui se déroule sous ses yeux (spectacle vivant, film, émission, tout est bon). Il est de votre devoir de le mettre en garde : s’il attend un assentiment des autres spectateurs, il ne recueillera au mieux que regards noirs et soupirs excédés, voire coups de boule au faîte de l’agacement.

 

De même que les visiteurs de musées passent à côté d’une expo en la mitraillant, le bavard ne gardera aucun souvenir de ce qu’il a vu – et sera de surcroît le caillou dans la godasse du public qui l’entoure.

 

Quant à ceux qui parlent sur le disque, promettez-leur le même sort qu’à Raoni, ça leur apprendra.

Merci de votre attention.

 

¯¯¯¯

Henri Bergson, Le Rire.

 

Coureurs et coureurs

 

Par égard pour le Tour de France qu’on n’arrivera jamais à détester malgré les pharmacopées qui en font et défont la légende, réglons leur compte si vous le voulez bien aux ceusses qui courent à côté des coureurs. Dans le monde du vélo, voilà au moins du sans-gêne incarné au grand jour. Raison de plus pour le pulvériser une fois pour toutes.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ces khônnards méritent-ils de vivre ? Je ne crois pas.

Signes caractéristiques :

  • invisibles dans la plaine, ne surgissent qu’à la première étape de montagne. Sans doute la raréfaction de l’oxygène a-t-elle raison des derniers neurones en activité ;
  • souvent détenteurs d’une banderole ou d’un fanion de leur cru, qu’ils ne manquent pas de faire flotter au vent comme si leur vie en dépendait ;
  • toujours torse nu, quand ce n’est pas les parties à l’air. Ce qui n’empêche pas – grande nouveauté – les déguisements. « J’ai montré mon cul et tout le monde m’a vu. Mais personne m’a reconnu, j’avais un masque ». Sur leur lit de mort, qui leur enviera cette ultime fierté ?

Détail troublant : cette année, la khônnardise semble toucher des nanas du sexe féminin et même des mômes.
Il est plus que temps d’agir.
Surtout que le khônnard n’est passible d’aucune sanction ! Tout juste une circulaire interministérielle égrène-t-elle ses placides consignes :

Ne courez pas à côté des coureurs. Pour leur sécurité, n’allez pas au devant d’eux, même pour les encourager.
N’aspergez pas les coureurs.
N’agitez pas de banderoles au-dessus des coureurs.

Pondeurs de textes, mégoter de la sorte restera sans effet, je le crains. Puisqu’il n’y a aucun moyen de faire entendre raison au khônnard, et vu la molle indignation des commentateurs de l’épreuve, l’éradication pure et simple s’impose.

 

Ci-après quelques suggestions en ce sens, immédiatement applicables (toute piste sera la bienvenue) :

  • Avec la complicité des ponts et chaussées, provoquer la fonte instantanée du goudron juste sous les semelles khônnardes ;
  • Prévoir un énorme crochet comme au théâtre, qui viendrait de l’arrière faucher le khônnard au démarrage ;
  • Même méthode avec une méduse géante dressée, nourrie exclusivement au khônnard ;
  • Equiper de flash-balls les motards de France Télévisions, les inciter à tirer à vue. Perfectionner l’arme avec un viseur afin d’épargner à coup sûr cyclistes et autres spectateurs.
  • Canarder depuis l’hélicoptère (trop dangereux).
  • Et puisque c’est la promesse d’être vu à la télé qui le fait courir, flouter le visage du khônnard. Avec notre merveilleuse technologie, me dites pas que c’est pas faisable en direct ça, allo, Cognacq-Jay ?

Mais l’objectif ne sera pas atteint sans l’aide de tous.
Je compte donc sur la contribution de chaque acteur du Grand Soir sur la Grande Boucle.

  • Les spectateurs du Tour eux-mêmes, premières victimes des khônnards dont la foulée leur cache les coureurs. Jamais un croche-patte ? Jamais de ceinturage à plusieurs, façon rugby ? Asseyez-vous sur votre éducation, pour une fois. L’anonymat de la foule vous mettrait à l’abri de toutes représailles, pensez-y !
  • Les directeurs sportifs. Khônnards au milieu de la route ? Mais roulez-leur sur les arpions, qu’est-ce qui vous retient au juste ?
  • Quant à vous qui pédalez, l’effort rend évidemment malcommode toute rebuffade. Mais vous êtes aux premières loges, considérez-le comme une chance ! Regard noir. Ecart obligeant à s’empaler dans les gens. Ramponneau. Gourde en pleine gueule. Tout véhément qu’il soit, le khônnard ne vous encourage en aucune manière. Vu son attitude, il n’est probablement jamais monté sur un vélo. Alors un bon geste, pour le bien de tous, n’attendez pas le sommet du col pour lui faire bouffer sa banderole.

Merci de votre attention.