Les moyens mnémotechniques

 

Du fond de notre semoule, doit-on vraiment fondre de gratitude envers celui qui, pour vous en extirper, vous donne un moyen mnémotechnique ? Qu’il n’hésite pas à qualifier de « bon » une fois sur deux, comme s’il vous servait la panacée sur un plateau.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ça ne veut pas rentrer. Qu’à cela ne tienne : un moyen mnémotechnique vous tirera d’affaire aussi sûr que deux et deux font cinq.
Voyez comme le moyen en question se hausse du col, puisqu’il ne se dit pas « mémotechnique » mnais « mnémo- ». Comme dans amnésie, ce qui est un très bon moyen mnémotechnique.

 

Trêve de billevesées. Quand on croit retenir quelque chose grâce à une astuce, on ne retient en réalité que l’astuce.

Car où s’arrête la mnémotechnie ? Personne ne confond la gauche et la droite, quoi qu’on en dise. Du jour où vous les avez conceptualisées, c’est devenu un réflexe. Aucun moyen mnémotechnique ne peut se substituer à ces sensations-là.

C’est le cœur du problème, d’ailleurs. Soit c’est intégré à vie, soit il faut en passer par des voies détournées. Quel constat d’échec !

 

Pour la stalactite et la stalagmite, c’est moins grave. Hormis les spéléos, qui peut se targuer de les distinguer sans moyen mnémotechnique ? Notez que celui-ci vous permettra de briller en société à double titre : non seulement vous étalerez votre science mais, ce faisant, vous dévoilerez le truc à vos hôtes subjugués (tite avec un t comme tomber, mite avec un m comme monter).

 

Et que dire du savoir universel qui tient dans la poche (sur mode vibreur, au cas où vous ne l’auriez pas reconnu) ? Un nom sur le bout de la langue ? Deux-trois mots-clés vous délivreront d’une réflexion qui, il y a encore quelques berges, aurait duré des plombes. Et vous aurait, mousse aux lèvres et frustration au dernier degré, rendu fou.

Ne vous raclez plus la soupière, tapotez. A défaut de culture générale, vous aurez au moins sauvé la face jusqu’au prochain trou de mémoire.

Merci de votre attention.

Plancher

 

Contrairement aux Zaustraliens qui marchent au plafond, nous ne cessons d’arpenter le plancher. Non que nous nous enrichissions tellement à son contact mais à l’échelle de toute une vie, ça chiffre. Quant aux mouches zaustraliennes, il suffit de disposer le papier tue-mouches en stalagmites.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est qu’on l’aime, notre plancher. Outre le « plancher des vaches » que nous nous languissons de retrouver, y’a qu’à voir comme nous usons des vigoureux « débarrasser le plancher », « peine plancher » ou « pied au plancher ». Alors que, manifestement, le revêtement susdit n’en est point.

 

Comme pour plafond, on n’a pas fait dans la dentelle : un plancher est fait de planches, les p’tits gars.

Depuis 1150, gaffe aux échardes : « sol de la pièce, constitué d’un assemblage de bois assez rudimentaire ». Et vingt berges plus tard : « ouvrage qui, dans une construction, constitue une plate-forme horizontale au rez-de-chaussée, ou une séparation entre deux étages ».

Depuis, les fabricants de maisons versent dans le surréalisme le plus complet avec leur

faux plancher,

« plafond établi au-dessous du plafond réel de manière à diminuer la hauteur d’une pièce » (c’est dire le degré de fausseté).

Ou encore le fameux

parquet flottant.

En zone inondable ?

 

Considérons notre planche. Tire-t-elle son nom de sa surface plane ? Pas si vite. Le bas latin planca a été raboté de palanca, « phalange ». Mots jumeaux et pour cause : entre le gréco et le romain, le h se fait aspirer systématiquement. Phàlanks signifiant « rondin de bois » ou « bâton » mais aussi « bataillon en rangs serrés », on pige mieux pourquoi nous avons conservé ce dernier sens, jusque dans le promiscu phalanstère.

 

Section verbes, plancher doit lui aussi une fière chandelle à planche, le tableau noir où l’on passait l’examen.
Et si un pro vous conseille de planchéier, donnez-lui du balai avant qu’il ne planchie partout.

Enfin prudence : ce n’est pas parce que certains établissements servent à la plancha qu’on peut y manger par terre.

Merci de votre attention.

 

Deux temps un mouvement

 

Estudiants étrangers qui apprenez le français, on ne vous plaint pas. Faut pas déconner : stalagmite, boulodrome, tacot, riflard, déguingandé, azimut, tohu-bohu, épiphénomène, c’est cadeau tout ça ! Votre pensée en langue maternelle doit cependant apprivoiser le temps. Qu’il fait dehors. Ou qui s’écoule. Ah mince, c’est le même.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Sympa, non ? Un seul mot pour la montre et la météo ! On n’y prête plus attention mais l’anglais a son weatherman pour lui indiquer d’où vient le vent, distinct du time qui le sépare du thé. Mêmes racines en allemand pour Wetter et Zeit. Chez nos proches voisins, on ne trouve guère que l’espagnol et l’italien où t(i)empo sert pour tout. Pourquoi diantre ?

Sans doute doit-on cette concordance des temps au monde paysan, qui se couche avec les poules et se lève avec monsieur. Vie rythmée par les saisons, activités à dates fixes : le temps de la moisson, de la récolte, s’oppose au temps des frimas, etc. Précisément, pour ne pas confondre périodes où ça meule et période des meules, les pécores se tournent vers le ciel. Pour ce qui est de lire le calendrier dans la course des nuages, on peut leur faire confiance. Et voilà corrélés moment opportun et conditions climatiques ! Autrement dit, vu le temps, il est temps (vindieu la Marie). Et où le soleil darde-t-il à son zénith ? Mais dans le Midi, té !

 

M’enfin je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans, hein, ah la la la la la la la la la…

Comme il ne se passe plus un jour sans que la planète se venge de nous (tornades, banquise qui se trisse, tsunamis, parodies de printemps et autres joyeusetés), que dans le même temps solstices et équinoxes tombent avec une régularité suisse, il sera bientôt temps de débaptiser tout ça, allez ma bonne dame.

Merci de votre attention.