Thuriféraire

 

Il se peut que ce mot rare vous soit totalement inconnu. Peut-être même voudriez-vous qu’il le reste, afin de préserver le mystère. Thuriféraire, en tout cas, n’est ni un moyen de transport, ni un animal, ni un footballeur (puisque ce n’est pas un animal).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est plus fort que vous, vos restes de latin débusquent dans thuriféraire le verbe ferre, « porter ». Comme dans tous les mots en -fère d’ailleurs : conifère, « portant des cônes », aurifère, « riche en or ». Sans parler de préférer, transférer, différer. Ni même d’une terre fertile, c’est offert par la maison.
L’indo-européen bher- de même sens a aussi produit l’anglais bear (« supporter ») et le grec phero : métaphore, sémaphore mais aussi, qui l’eût cru, Véronique, anciennement Pherenikê, « qui porte la victoire ». Une bise à toutes les Véronique.

 

Mais quid de thuri- ? Le latin tardif t(h)urifer apporte la réponse en même temps que l’« encens », t(h)us. Et de fait, l’encens, si on n’est pas habitué, on tousse.

 

Ainsi, le thuriféraire de 1690 est encore un

clerc chargé de l’encensoir et de la navette au cours des cérémonies solennelles.

Ce n’est qu’au XIXe qu’il prend le sens de « flatteur », soit celui qui encense à tort et à travers. Une bise à tout le fan-club.

 

Mais thus doit son h au grec. Et le mot est siamois du latin fumus. S’il n’y a pas de « fumée » sans feu, il y en aurait encore moins sans l’indo-européen dhuhmós, également à l’origine du grec thumos, « âme, courage », rien que ça.

Le latin thymus, quant à lui, est bien connu des toubibs pour désigner la glande du cou et des cruciverbistes pour désigner le ris de veau. Même famille que thym, qui embaume comme un fait exprès le ris de veau à merveille. Une bise à tous les ris de veau.

Merci de votre attention.

 

Comment repérer un arbitre dopé ?

 

N’est pas arbitre qui veut. Rendez-vous compte de la force de caractère qu’il faut pour rester droit dans ses bottes en essuyant les menaces de mort de tous côtés. Les joueurs risquent moins leur peau, qui sont visés collectivement (en vrai, les supporters sont des dégonflés). Ils pourraient d’ailleurs sortir dans la rue sans garde du corps. Quant à l’arbitre, s’il sort, c’est dans l’anonymat le plus total et pour promener son chien (en vrai, les supporters sont des dégonflés).

N’oublions pas la force physique du bonhomme. Les statistiques donnent toujours la distance parcourue par x ou y au cours d’un match. Elles ne s’intéressent jamais au nombre de bornes que s’enfile l’arbitre. Lequel, comme le veut sa fonction, se trouve tout le temps sur l’action, pas comme ces feignasses d’ailiers ou de goal. Observez-le : c’est proprement surhumain.

 

D’où l’appel de plus en plus pressant à l’arbitrage vidéo : il ne peut pas être partout, le bougre. Idem dans le vélo. Pour pallier une absence que ne compensent pas les commissaires de course vissés sur leur chaise, les commentateurs se tournent vers d’autres « juges de paix » : Glandon, Tourmalet, Aubisque…
Ah si les cols pouvaient parler.

 

Mais pour avoir toujours raison même quand il a tort, à quoi carbure l’arbitre ?

N’étant pas infaillible, les sportifs qu’il a à l’œil ne peuvent compter, à leur tour, que sur le dopage pour se départager. Rompons dare-dare ce cercle vicieux et penchons-nous sur les pratiques du corps arbitral.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en arbitre d’arbitre civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  D’office, quatre ans de suspension pour les arbitres russes et est-allemands, ça gagnera du temps.

 

♦  Sélection naturelle toujours, un simple contrôle visuel suffit à disculper votre homme dans les sports individuels. Au tennis par exemple, voyez comme l’arbitre de chaise s’empâte. Et que dire des vieux croulants chargés d’homologuer le saut des athlètes ? Brioche et compagnie. Sans compter – et c’est ce qui leur donne cet air si triste – qu’eux n’ont pas le droit de se jeter dans le sable sous les hourras.

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♦  Probité suspecte ? Attention, certaines hormones de droiture sont autorisées par les instances. Effets les plus spectaculaires : 1) infliger un second carton au joueur qui conteste le premier, 2) ne pas siffler une faute imaginaire de l’équipe A uniquement pour faire plaisir aux supporters de l’équipe B sanctionnée cinq minutes avant à juste titre.

 

♦  Multipliez les contrôles inopinés dans les vestiaires. Une fois passés au peigne fin short, cartons et caméra embarquée, vérifiez qu’aucun roulement électrique n’est dissimulé dans le sifflet.

 

♦  A l’issue de la compétition, soumettez l’arbitre aux mêmes analyses d’urine que les joueurs. Aux chiottes l’arbitre, en quelque sorte.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Et fier de l’être

 

Lors d’un match, tout supporter a potentiellement les honneurs d’un gros plan en direct. A la télévision, encore, il aurait juste l’air d’un gros blaireau. Mais sa trombine dans les tribunes apparaît simultanément sur l’écran géant du stade, où il se fait coucou à lui-même.
Récapitulons : on voit donc sur l’écran le blaireau en train de se voir sur son écran.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Quand la caméra se plante ainsi devant lui, la glorieuse incertitude du sport s’évapore façon fumigène : on sait exactement ce qui va se passer. L’hystérie redouble via force coups de coude au voisin et onomatopées inédites. C’est à ce moment précis qu’on coupe en régie car moui, c’est insupportable. Réalisateurs, vous l’avez bien cherché.

Perdre le fil du jeu pour un plan de coupe n’est déjà pas d’un intérêt démesuré. Si en sus le blaireau qui se reconnaît devient un spectacle, l’émotion liée à l’événement n’a plus qu’à rentrer chez mémé.

 

Certes, ceux qui filment ont des consignes : personnaliser la meute. Et accessoirement, raviver l’intérêt du blaireau quand le match somnole. Sauf que l’effet peut être exactement inverse : détourner définitivement son attention du terrain, à force de zieuter l’écran pour voir si des fois il n’y figurerait pas derechef.

 

Le vu-à-la-télé flattant les bas instincts l’ego, il est rare dans ces cas-là que la jouissance soit intérieure. Plutôt que de masquer sa surprise (tiens ? mais c’est moi), le blaireau mû par l’adrénaline partira d’un OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS si peu télégénique qu’un autre plan de caméra – vous ferez gaffe – l’évacue aussitôt.

En régie, on a trouvé la parade : repasser dans la foulée d’une action marquante la réaction d’un blaireau pris au hasard. Lequel ne peut plus s’extasier a posteriori, rapport au continuum spatio-temporel.

 

La multiplication des caméras fait oublier que ce procédé n’a pas toujours scié les nerfs existé. Et qu’il peut très bien retourner d’où il était venu. Passé son quart d’heure de gloire, il ne devrait plus gâcher le plaisir, si ?

Merci de votre attention.

 

Encourager

 

Alleeeeeeeeeeeeeeeeeeeeez,
Po-po-po-po-po-po-po-po-o-o-oooooooooo ! (Olé),
Si t’es fier d’êt’ parisien, tape dans tes mains.

Hurlés des tribunes ou du canapé, on peut affirmer sans trop se gourer que ces cris du cœur nous traversent le gosier sans transiter aucunement par le cerveau. Normal : c’est dans le précieux organe qu’encourager prend sa source, vers laquelle nous remonterons pas plus tard que tout de suite.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Supporters, supportrices, encourager revient à « donner du courage », vous en conviendrez. En posant l’équation différemment, vos chouchous, vous leur mettez donc du baume au cœur.
Ah.
Courage et cœur seraient-ils pas liés comme les deux doigts de la main ? Oui mais ça dépend lesquels. Parce que l’index et l’auriculaire déjà, ils se croiseront pas beaucoup, j’aime autant vous le dire. Le majeur et l’auriculaire, encore pire, alors là, aucune chance. Evidemment, vous voilà en train de soumettre ce qui précède à l’épreuve des faits (la confiance règne). A grimacer comme des malades, vous risquez juste un croisement des ligaments, qui éloigne les sportifs de la compète et nous éloigne doublement du sujet.
Incorrigibles que vous êtes.

 

Reconcentrons-nous. Lors de sa première occurrence en 1050, courage désigne rien moins que le « cœur en tant que siège des sentiments ». A peine cinquante berges plus tard, le courage est un « état d’esprit » amenant ardemment au « désir de faire quelque chose ». On n’est courageux que face à l’adversité, sinon y’a pas besoin.

Le mot a tant d’allure que les Grands-Bretons, délaissant leur heart et n’écoutant que leur cœur, se sont resservis et du nom et du verbe.

Quant à encourager justement, il s’est d’abord dit et écrit encuragier. Si si ! Vous laissez pas abuser par la proximité phonétique avec enculé, de nature au contraire à décourager ceux que vous ne portez pas dans votre cœur.

Intellect, toujours exclu du lot, ça va de soi.

Merci de votre attention.