« Ni fait ni à faire »

 

Molardée par un locuteur plein de morgue choit parfois sur le tapis « ni fait ni à faire ». C’est pour dire « raté ». Comme l’expression en elle-même, j’en ai peur.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A l’instar du vieux passant devant un chantier, un je-ne-sais-quoi d’irrésistible incite à contempler « ni fait ni à faire » toutes affaires cessantes. Son snobisme, probablement.

Mettons qu’à sa sortie en salles, on juge un navet en ces termes. « Ni à faire », on comprend ; mais pourquoi « ni fait », nom d’une comédie hexagonale ? Le film hélas étire bel et bien son heure et demie sous nos yeux, sans quoi personne ne serait là à commenter en prenant des airs.

On souhaiterait tellement n’avoir jamais vu la chose qu’on la nierait à ce point ? Belle mentalité. Car elle est, nom d’un tétraèdre irrégulier, bien qu’elle n’ait pas lieu d’être.

Plus juste serait un éventuel

ni à faire ni à refaire

mais l’étrangeté de cette proposition nous plongerait dans le surréalisme.

 

A moins que « ni fait ni à faire » ne nous situe dans un présent préservé, sans passé ni futur. Une sorte d’entre-deux idéal, où tout n’existerait qu’à l’état de concept et où l’on flotterait en se payant de mots avec des mines sérieuses.
Comme la ?… Foi ? Nom d’un signe de croix inversé, maintenant que vous le dites !
Ou comme la philo, si elle n’est point mise en pratique.

 

Décidément, ni faite ni à faire, cette expression.

Merci de votre attention.

 

A consommer avant le : voir sur le côté

 

Engueulades entre Lucette et Marcel, chantages de chiard allez allez c’est par ici le goret qu’on égorge on en profite : attractions fréquentes s’il en est. Moins cependant que le ballet vedette des grandes surfaces, lequel se déroule en silence au rayon alimentation. Il consiste à tourner chaque denrée dans tous les sens en quête de sa date de péremption, avec une frénésie rappelant le breakdance des faubourgs.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Sauf confiance aveugle dans l’approvisionnement de l’enseigne, voilà bien un manège auquel nous nous livrons tous jusqu’au dernier. Car ainsi que nous l’a appris la moman :

toujours vérifier jusqu’à quand ça va.

A ce compte-là, le jour des courses, partez en avance. Non à cause des bouchons : parce que vous perdrez plus de temps à écumer paquets, pots et bouteilles qu’à en emplir votre cabas.

Ça se goupille comme suit.
De prime abord, « à consommer de préférence avant le » semble indiquer que la fin du suspense est proche. Fausse joie. Deux points vous invitent ex abrupto à aller « voir sur le côté », « sur le couvercle », « sous l’emballage », « là-bas si j’y suis ». Votre front s’orne de la ride du lion, c’est alors que le jeu de piste commence.
Seuls ceux ayant l’arrière-train bordé de Barilla trouvent le Graal au premier coup d’œil.

Z’allez pas me dire qu’avec la robotique actuelle, personne n’est fichu de tatouer c’te date à l’endroit exact où elle devrait figurer ?

La Grosse Distribution, comme de juste, ne fait rien pour des prunes. Certainement a-t-elle ourdi ce plan machiavélique pour obliger le khônsommateur à longuement manipuler l’objet de sa convoitise. Précieuses secondes au cours desquelles les atomes font ami-ami, variante tiroir-caisse du contact physique comme emprise subliminale d’untel sur untel. Si bien qu’ayant enfin repéré l’ultimatum, nous n’osons plus reposer le produit sans un sentiment diffus de trahison.

 

Maintenant qu’on n’est plus dupe du procédé, prenons-le à la rigolade. « A consommer avant le : voir sur le côté » ne constitue-t-il pas une collision grammaticale comme on n’en voit plus depuis les surréalistes ? Mieux, les traductions pour l’export nous offrent le voyage :

da consumarsi preferibilmente entro,
best before end,

sans oublier l’inusable

ten minste houdbaar tot

probablement destiné au marché syldave…

Merci de votre attention.