Document

 

Tégument, cette « couverture » pour initiés, provient du verbe latin tegere (participe tectum) dont les préfixes ont lancé la carrière française (pro-téger et d’autres que vous dé-tecterez tout seuls). Docere (participe doctum) a donc accouché de document. Et aussi de docteur, pas besoin de se documenter bien loin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Et zieutons les abréviations : dans l’intimité, document et documentation deviennent bien un ou une doc ; idem pour le médecin de famille. Documentaire a droit à « docu », pour pas confondre. Documentariste n’a pas de petit nom en revanche – sauf JP, dans l’éventualité où il s’appelle Jean-Pascal.

Docere, donc, signifie « enseigner, instruire » comme nous l’enseigne l’indo-européen deik (« montrer »), qui laisse derrière lui pas mal d’indices : latin dicere (« dire »), discere (« apprendre »), vieux grec didaskein (« enseigner, instruire » derechef), à l’origine de didactique et des didascalies chères aux théâtreux.
Il va sans dire que le disciple d’un docte professeur avalera sa doctrine docilement.

 

Quant à l’« enseignement » que constitue le document, il prend généralement la forme d’un papelard, à la limite du quelconque :

un document.

Ou au contraire, d’un trophée à la limite du scoop :

un document.

Auquel cas on lui fourgue l’adjectif exceptionnel, voire unique si on est à court (ou à jardin, selon la didascalie).

 

Attardons-nous zenfin sur -ment, suffixe interchangeable avec son compère -men. Il aurait donc suffi d’un rien pour que la face de cérumen ou de légume changeât du tout au tout.
Si vous venez de prendre pour vous « légume » ou « face de cérumen », vous êtes de sacrés spéciments.

Merci de votre attention.

 

Paria

 

Certains mots sont rarement de sortie. Soit qu’ils se prêtent peu à la conversation courante (naphtaline), soit que leur sens nous échappe, au moins en partie (baroud), le plus souvent les deux (tégument). Ceux-là font quasiment figure de parias.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Mis à part le fait qu’un paria soit mis à part, on ne sait trop à quelle sauce linguistique le manger. Certes, sa finale le place délibérément dans la caste des fâcheux, où s’illustrent déjà charia et malaria. Mais c’est sous un horizon plus lointain qu’on le trouve au naturel. Celui des Indes plus précisément, où le paria (ou « intouchable ») est considéré comme impur pour cause de non-appartenance à une caste. Un cochon d’Inde, en somme.

 

Pareaz est déjà attesté dans ce sens en 1575, devenant paria un petit siècle plus tard pour glisser au XIXe siècle vers le sens figuré : « personne méprisée, écartée d’un groupe ou exclue de la société ».

Il provient, via le portugais paria, du tamoul parai, « gros tambour » utilisé pour festoyer. Autant dire qu’au poste peu enviable de parayan (« joueur de tambour »), question sociabilité, on touche le fond : personne ne s’approche sous peine de finir sourdingue.
Par ailleurs, ces Paraiyar (au pluriel) forment une caste peu recommandable, bien distincte de celle des Konar (sic), passés maîtres dans l’élevage des bêtes à cornes chez les anciens tamouls, mes moutons.

 

Comme à la parade, cette étymo ? Croyez pas si bien dire. Figurez-vous que notre verbe parer froufroute sur l’indo-européen par-a-, forgé sur le radical pere-, « enfanter, produire, mettre en avant » (→ parturiente et parent !).

 

Tout ceci nous rappelle combien la vie est sacrée. Aussi, mes bien chers frères, soyons pas vaches, tendons la main à chaque laissé-pour-compte au cri de :

Ave paria.

Merci de votre attention.