On ne peut que « se faire tancer » ou « tancer quelqu’un ». « Vertement » en général. Ou « d’importance » pour les plus lettrés. Tancer ne reste jamais seul. Et qui le consolerait ?
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Si nous l’affublons ainsi de compléments, c’est sans doute pour atténuer un peu son côté aristo. Qui n’est pas propre à tancer, car le vocabulaire du remontage de bretelles boycotte le registre soutenu depuis qu’on s’est aperçu qu’y mettre les formes (« admonester », « morigéner », « chapitrer », « gourmander ») ne servait à rien. Aujourd’hui, le tancé de service se fait au minimum « passer un savon », « engueuler comme du poisson pourri » ou « appeler Arthur » si toutefois l’auguste prénom ne figure pas déjà à son état civil. Dans le cas contraire, on l’appellera simplement « khônnard ».
Notre ami du jour apparaît au XIIe siècle sous le déguisement « tencier a aucun » puis sous la forme tancier. La moutarde monte progressivement jusqu’à tenchier un siècle plus tard. Autant dire qu’en ce temps-là, les grosses bêtises, ça y allait.
Ne nous laissons pas distraire. Tencier première manière n’est qu’un copier-coller du latin populaire tentiare, formé sur tentus, participe passé de tendere qu’on reconnaîtrait entre mille : « tendre, faire un effort ». Moment de tension par excellence, l’engueulade n’a rien à envier au montage de tente standard.
Et l’attente, et la tentation ? Elles ont de qui tenir : ten- l’indo-européen, d’où sont issus le persan tar et le grec tonos, « corde ». Le son de cette dernière, à mesure qu’elle n’est plus tendue, s’atténue. Heureusement que le ténor est là, dont le tonus tétanise l’auditoire qui lui réserve un tonnerre d’applaudissements comme il se doit.
Merci de votre attention.