« Chef »

 

Déchetterie, bistro reculé, casse auto, autant d’antres de la testostérone où est intronisé « chef » n’importe quel client mâle de passage. Bien que celui-ci ne connaisse pas ses subordonnés, de toute évidence.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

« Chef » est censé faire office de prénom. A ne pas confondre avec « le chef » qui, lui, en a un par ailleurs.

« Chef » est extrêmement déplaisant, dans tous les cas de figure :

  • un meneur d’hommes pourra se sentir flatté dans un premier temps. Mais quelle désillusion lorsqu’à peine le dos tourné, il découvrira que dix autres « chefs » le talonnent.
  •  si au contraire le type n’a rien d’un hiérarque et qu’au surplus il abhorre l’endroit, où il s’est rendu à reculons, ce « chef » au deuxième degré lui donnera des brûlures d’estomac au troisième degré.

 

Façon de parler, diront les avocats du diable. Quiconque pratique un dur labeur peut bien se permettre cette petite connivence. Indifférencié, « chef » abolit même les frontières sociales.
Chers Maîtres, vous ne vous êtes jamais fait appeler « chef ».

Remarquez qu’une nana du sexe féminin non identifiée y échappera elle aussi. C’est à vous et vous seuls, messieurs, que l’on donne du « chef » – sans vous demander votre avis.

A ce compte-là, pourquoi pas « mec », « p’tite tête », « coucouille » ou « hé toi là », puisque manifestement, celui qui vous tient pour « chef » a le droit de vous tutoyer (mais seulement lui) ? Car cette adresse impersonnelle est non seulement un manque de respect, mais elle témoigne, sous ses airs soumis, que c’est son locuteur qui a le pouvoir sur vous.

Pendant ce temps, « monsieur », dont la neutralité a fait ses preuves, n’a plus qu’à rentrer chez mémé.

 

A moins que ce « chef » pour rire ne soit un exutoire pour oublier l’officiel, celui dont l’ombre plane en permanence ?
La psychologie testostéronée nous échappe.

Merci de votre attention.

 

Comment réagir en cas de haka ?

 

Mettez-vous dans la peau de nos rugbymen assistant sans moufter à ce rituel d’un autre âge. Juste avant d’en découdre, vous aussi resteriez interdits devant tant de férocité. De surcroît, t’en as vu un, tu les as tous vus : les sauvages bonshommes s’alignent invariablement en éventail, jambes écartées pareil qu’avec la crotte au cul, se frappent les articulations en scandant un chant inarticulé et vous fixent dans le blanc des yeux, épiant jusqu’à quel point vous-mêmes maculez votre slibard. Pas une équipe de l’autre hémisphère qui ne se livre dorénavant à ce festival de testostérone, ce happening couillu annonciateur d’une déculottée certaine.

haka

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en XV civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Répliquez par une chorégraphie non moins déconcertante qui les remplira d’épouvante. Avec Tirelipimpon sur le chihuahua, l’effet de surprise sera total.

♦  Et pourquoi ne pas s’inspirer du cérémonial en vigueur au football américain, ce rugby de mauviettes qui se joue avé le casque et autres protections insensées ? Prévoyez alors quinze pom-pom girls surentraînées dotées d’une gnaque comparable à celle de leurs vis-à-vis. Lesquels, désorientés sur le plan hormonal, n’auront plus la tête aux plaquages.
Du moins pas sur vous.

♦  Considérez le manège susdit non plus sous l’angle de l’émulation ou du numéro d’épate mais comme de l’énergie pour le jeu dépensée en pure perte. Ça a l’air impressionnant comme ça mais si vous voulez mon avis, dès le coup d’envoi, ils sont tous cuits : essai assuré dans les deux premières minutes (lambinez pas).

♦  Obligez votre demi de mêlée à parler couramment le néo-zélandais, afin de signifier aux bêtes fauves joueurs d’en face que vos intentions aussi sont pacifiques et que c’est çui qui l’dit qui est, d’abord. Des rudiments de fidjien seraient un plus.

♦  Une fois les aborigènes adversaires replacés derrière leurs quarante mètres, faites dûment constater à l’arbitre assistant les dégâts occasionnés à la pelouse encore fumante. Cette partie du terrain devenue impraticable, il trouvera bien un point du règlement pour vous déclarer vainqueurs. Double avantage puisque chacun regagnera son vestiaire avec les arcades sourcilières intactes et un nombre d’oreilles à peu près équivalent à deux.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.