Postiche

 

De même qu’il n’est pas toujours fastoche de distinguer un postiche d’une pilosité authentique, on peut très bien confondre postiche et pastiche, celui-ci étant souvent de mèche avec celui-là. Qui a dit « oh la barbe » ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

L’épithète a d’abord revêtu le sens d’

ajouté artificiellement.

Ainsi donc, avant toute idée de « fausseté », postiche signifierait « après », comme dans posthume ? Ce serait tentant. Mais trop facile. Et ne confondez pas posthume et costume, au risque de vous en faire tailler un pour l’éternité.

moumoute

Avant de devenir l’artefact que l’on sait (les « faux cheveux » datent de 1690), « postice » est attesté dès 1609. Un emprunt plus que patent au posticcio transalpin : « artificiel, feint ».
Mais pourquoi posticcio, nom d’un chiot (parce qu’on en n’a qu’un petit peu marre) ?

Soit à cause de posteggia, « endroit où l’on se poste » (d’où le sens tardif de « boniment »), soit d’appositicius, « apposé » en latin de la dernière pluie. D’ailleurs puisqu’on en parle, ne confondez pas postiche et Post-it, y’en a un des deux qui colle moins bien.

Imposteur ? Même famille, parfaitement. Voulez vraiment vous imposer tous les petits cousins ?

 

Reprenons plutôt posticcio. En lui faisant les racines, on découvre que le sostantivo est

sinonimo di toupet.

Ce qui nous rappelle incidemment 1) que le toupet culmine au « sommet » du crâne, ayant poussé sur top (touffe en ancien français), 2) que comme déguisement, c’est vraiment top.

Merci de votre attention.

Trop délire (j’hallucine grave)

 

L’époque du soc est révolue. A l’ère post-industrielle, délirer ne consiste plus à « sortir du lira » (sillon latin creusé par la charrue) mais bien à flirter avec la légalité, plus ou moins narquoisement :

On s’faisait un p’tchit délire tranquchille, t’ois…

T’ois le délire ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Attitudes irrationnelles (délire de persécution), divagations fiévreuses (délire tout court), delirium tremens où les chances du patient sont très minces de retrouver sa serrure, rien que de très commun pour la médecine. Hippocrate ce vieux grigou se retournerait dans sa tombe s’il assistait à nos délires généralisés.

D’abord liesse (une foule en délire), puis aberration dûment constatée (« c’est du délire »), le terme recouvre désormais toute bravade bête et méchante (exemple liminaire) et la franche rigolade qui s’ensuit (« top délire »).
De l’excès érigé en règle !

Au comble de la dénégation acnéique :

Mais trop pas !

… passe encore.
Mais à force d’émotions surjouées façon sitcom, on voit se réduire à peau de zob la sincérité de nos contemporains. Si tout est « génial » et même « trop génial », que dire de ce qui relève vraiment du génie ? Voilà donc l’anodin paré des atours outranciers du délire. Lequel se saborde au point de ne plus signifier que « longueur d’onde » :

On n’était pas vraiment dans le même délire.

Même trip pour trip.

Autre syndrome devenu banal, l’hallucination collective n’épargne plus personne.
On qualifie enfin, non plus une tumeur, infection ou toute autre saloperie mais quelqu’un de grave, voire « grave de chez grave » si le cas est incurable.

Ainsi va la langue : certains mots semblent voués tôt ou tard à des acceptions pour le moins délirantes.

Merci de votre attention.