Supporter/soutenir

 

L’anglicisme consistant à supporter au lieu de soutenir est, disons le mot, insupportable. Ou insoutenable, c’est selon.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

On a beau « supporter » x ou y jusqu’à l’extérieur du terrain, y’a pas de quoi être fier vu que l’autre verbe dit la même chose en mieux.

Voici comment Hillary Clinton haranguait dernièrement sur France Culture :

Que vous supportiez le sénateur Sanders ou que vous me supportiez (…)

Le même passage sur Arte :

Que vous supportiez le sénateur Sanders ou que vous me souteniez (…)

Hein ! Entre constance dans la mocheté et traduc à moitié assumée, quelle version choisiriez-vous ?

 

Pourquoi pas soutenir tout du long ? Si c’est pour éviter la répétition, elle figure déjà dans la phrase stazusienne :

Whether you support Senator Sanders or you support me (…).

Mais rogntûdjû,

que vous souteniez le sénateur Sanders ou moi (…)

et ce serait plié, sans changer le sens. Et sans s’encombrer de faux amis.
Faut vraiment tout faire dans cette boutique.

 

Rappelons que la candidate exhorte des supporters (ou partisans) qui ne sont pas à proprement parler ses souteneurs, aussi inconditionnel que soit leur soutien. Pour contrecarrer souteneur (ou soutien, un poil impersonnel), le supporter a donc traversé l’océan et la Manche, tout bruyant et bigarré. Sans qu’on ose le franciser en « supporteur », notez bien, malgré la phonétique (on était déjà sourd). Résultat : supporter a le cul entre deux chaises et se soutient difficilement.

To support a suivi le même chemin vers nos côtes. Embarquant du même coup le contresens. La mère Hillary en est donc réduite à demander qu’on la supporte, au moins jusqu’au bureau ovale.

 

Plutôt que de supporter supporter, soutenons soutenir. Dieu bénira l’Amérique et ça nous fera des vacances.

Merci de votre attention.

 

Astérisque gaulois

 

Un mieux, un rêve, un cheval, rien n’étanche notre soif d’idéal. Surtout pas l’astérisque proposant, au bas d’une pleine page ou d’un écran de pub, la traduction française vaseuse du slogan anglais (généralement vaseux lui aussi).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Meuh si voyons, le slogan corporate, ça s’appelle. Celui-là, non content de multiplier les injonctions aussi pressantes que « Move your mind », se la pète jusque dans sa jargonnante appellation.

Citons des marques pour la clarté du propos pis ça leur fera les pieds.

Dell
Yours is here *
devient, en tout petit dans un coin,
* A chacun son Dell.

LG
Life’s Good *
=
* La vie est belle
au rayon électro-ménager.

Arrive un modèle de Honda :
Be recognizable *
=
* Ne passez pas inaperçu.

… suivi d’une Skoda :
Simply clever *
=
* Simplement évident.
(intelligent ?)

… et d’une Peugeot dont le futurisme justifie apparemment ce mot d’ordre taillé pour l’export :
Let your body drive *
quitte à le franciser en
* Votre corps reprend le pouvoir.

Zélée, la traduc.


Ze
meilleur for ze end : à quoi croyez-vous que renvoie le binôme qui suit ?
Heineken
Open your world *
A ceci :
* Ouvrir une Heineken, c’est consommer une bière vendue dans le monde entier et exportée notamment depuis le port de Rotterdam.
Mot pour mot hein ! Mot à mot, par contre, on jurerait pas.

Rassurez-nous les gars, le jour du bac d’anglais, point ne vous amusâtes-vous à tout surtraduire de la sorte ? Sinon coup de pied aux fesses jusqu’en 6e direct.

Oh mais on voit de tout, y compris du minimum syndical. Tenez, le « Move your mind » de tout à l’heure a été changé en « Changez ». Un essorage défectueux, sans doute.
Tordant au passage comme les énoncés anglais s’avèrent percutants face à leurs équivalents frenchy, pas vendeurs pour un sou !

 

De quand datent ces derniers, au juste ? D’un jour d’août 1994 où le législateur crut avoir tout bon dans son combat contre le globish ambiant. La loi interdisait en toutes lettres

l’emploi d’une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d’une expression ou d’un terme étrangers (…) dès lors qu’il existe une expression ou un terme français de même sens.

Et prévoyait qu’en cas de traduction,

la présentation en français doi(ve) être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères.

Depuis, « what else ? » est sous-titré « quoi d’autre ? » et « so british » « tellement british » (sic !), des fois que…

Mais surtout, les annonceurs madrés en profitent pour balancer en loucedé un second message pour le prix du premier, celui-là ayant de moins en moins à voir avec celui-ci.

Pur truc de pubeux, quoi.
On vous voit venir, vous savez.

Merci de votre attention.