« Trouver la mort »

 

Suite à un éboulis ou une tuerie quelconque, les médias font le bilan de ceux qui y ont laissé la vie. Et qui, heureusement, ont « trouvé la mort ».

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Décidément, on n’est pas à l’aise avec la Grande Faucheuse. Dès qu’elle s’invite quelque part, celle-ci, les paraphrases vont bon train :

la Grande Faucheuse,
x n’est plus,
on apprend la disparition de x,
Dieu a rappelé x à ses côtés…

Plutôt mourir que de la regarder en face.

Le lexique familier n’est pas en reste :

y rester, clamser, casser sa pipe, passer l’arme à gauche…

 

Pour « trouver la mort », c’est plus subtil : elle s’affiche en toutes lettres et vous frappe de plein fouet. Ce qui est la pire des morts, puisqu’elle survient dans des circonstances sinon tragiques, du moins suspectes.

Or trouver, c’est plutôt une bonne nouvelle, d’habitude. Trouver une pièce par terre, trouver la solution, trouver à qui parler.
En côtoyant la fin des haricots, le verbe est censé l’attendrir. Mais « trouver la mort » ne soulage personne. Sauf les journaleux, ça leur évite d’appeler un chat un chat.

 

Dans un registre nettement plus gai, on ne peut s’empêcher de « tomber amoureux » ou de « tomber enceinte ». Là encore, sans crier gare.

Or tomber, c’est plutôt une mauvaise nouvelle, d’habitude. Tomber sur un os, tomber malade, tomber sur plus fort que soi.
Associé à des événements heureux, le verbe est censé nous mettre en garde sur leur côté éphémère (afin qu’on ne tombe pas de haut). Ça ne dissuade personne. Quant aux journaleux, ils continuent à tomber raide dingue de ces tournures.

 

Attention, stricto sensu, les victimes du hors-piste ne peuvent « trouver la mort », vu qu’elles l’ont bien cherchée.

Merci de votre attention.

 

Frangin

 

Fait troublant : frangin se décline en frangine pour désigner tout élément féminin d’une fratrie. Au comble de l’affection, imagine-t-on donner à nos sœurs du « frérotte », sur le modèle de frérot ? C’est bien la preuve que frangin/frangine est un couple à part. D’ailleurs, fait troublant, il partage ses fricatives avec frère, alors que vous ne partagez sa fricassée qu’avec votre sœur.

Mais revenons à nos lapins, moutons.

Frangin est d’origine obscure, maugréent les dicos. Qui vont jusqu’à mettre le sens familial et celui de « copain, camarade » sur le même plan. Ce dernier n’est donc pas figuré ?
Figurez-vous que non : c’est le frangin en amitié qu’on rencontre en premier couché on the paper (1821), quand l’équivalent de frère ne débaroule qu’en 1833. Frangine, fait troublant, est attesté la même année que frangin.

 

D’aucuns vont chercher l’acte de naissance du mot dans le Piémont, sans toutefois déterminer si ce franzino est l’aîné ou le cadet de notre frangin.

D’autres y voient un emprunt à l’argot des canuts, ces tisserands lyonnais dont la cervelle légendaire aurait accouché de frangin pour dénommer un faiseur de franges.

Sur cette lancée, d’autres encore évoquent une tradition bien française selon laquelle la totalité des rejetons vivant sous le même toit porterait la frange réglementaire (d’où le caractère unisexe du vocable).

Si l’on suit cette histoire de frange, il faut revenir au latin fimbria de même sens, plus tard déformé – fait troublant – en frimbia.
Vous saisissez le topo ? Le Romain moyen ne se serait pas emmêlé les pinceaux que frangin n’existerait même pas à l’heure qu’il est.

 

Pour conclure dans le tiré par les cheveux, frangin pourrait être

issu d’un croisement de frère avec franc [l’épithète].

Pour être franc, on n’y croit pas beaucoup. A ce compte-là, ç’aurait plutôt donné « franquin », non ? M’enfin !?

 

Comme quoi, avec le frangin, on n’est jamais sûr de rien.

Merci de votre attention.