Comment détecter la petite cuiller restée dans le fond de l’évier ?

 

Rire sardonique des propriétaires de lave-vaisselle. Voilà typiquement le genre de problèmes qui ne les concerne pas : tout est sagement restitué par l’engin en bout de course. Vous qui frottez la vaisselle à l’ancienne (that’s to say à l’huile de coude) aurez beau jeu de railler en retour les verres dépolis qui ne croisent jamais un torchon.

Le schisme de l’évier.

Il n’en reste pas moins que dans le vôtre, une petite cuiller parvient toujours à se terrer sous la mousse. Vous ne la découvrez qu’en débouchant la bonde, après des dizaines de plongées dans le bac, d’écartements subaquatiques façon Moïse et autres sondages bredouilles. Par on ne sait quel sombre théorème, le couvert récalcitrant (notamment le spécimen à moka) n’apparaît bien souvent qu’une fois la dernière bulle de mousse évacuée.

Pas question de reporter le dégraissage à une prochaine vaisselle : il faut en prendre son parti. Et y aller d’une nouvelle lichette de liquide, tout exprès pour la tire-au-flanc. Sans parler du rinçage supplémentaire que nécessite l’opération ; c’est du propre.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en laveur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Tenez une comptabilité en deux colonnes pour l’entrée et la sortie du bac. La moindre petite cuiller manquant à l’appel sera immédiatement repérée.

 

♦  Un détecteur de métaux (modèle amphibie à visée inframousse) formera un remous pour l’inox, deux pour l’argent du service de grand-maman.

poulpe

♦  100% naturel, un poulpe de compagnie rattrapera les fuyardes au vol. Si l’animal est convenablement dressé, il fera en sus des miracles avec quatre éponges.

 

♦  Dans l’emballement du pique-nique dominical, la petite cuiller peut aussi rester dans le fond du ravin. Dans ce cas, quoi qu’il vous en coûte sur le plan sentimental, le mieux est encore de l’y laisser.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Ongle

 

Au même titre que la vaisselle, la Noël ou toute autre peine incompressible, se couper les ongles est un rite rebutant et chronophage sans lequel il n’est pourtant pas de vie sociale possible. D’ailleurs la faune sauvage ne se coupe jamais les griffes. Pas plus qu’elle ne se fait de cadeaux. Quant au concept d’évier, il lui est quasiment étranger. De quoi être sérieusement tenté par la réincarnation, sauf à finir en renne – mammifère tout ce qu’il y a de plus ongulé du reste.

Mais revenons à nos mammifères tout ce qu’il y a de plus ongulé, mammifères tout ce qu’il y a de plus ongulé.

Ongle désigne la partie cornée des doigts et des orteils dès 1130 :

al ungle del petit dei.

(‘T-y pas charmant ?)

On se ronge les ungles depuis au moins 1370. A défaut, c’est vrai, de pouvoir ronger autre chose (son frein, éventuellement ; un minimum de deux roues est alors exigé).

Et pas la peine de vous moquer des Zanglais avec leur nail tout pas beau : c’est le même mot que notre ongle.
Just watch.
En ancien angliche, ongle est incarné par negel, nægl. Idem en proto-teuton (naglaz), en vieux frison (neil), en vieux nordique (nagl), en vieux saxon et en hollandais (nagel), ainsi qu’en jeune allemand (Nagel). Le sort s’acharne.
Oublions surtout pas le grec onyx (d’où le nom de la blanche pierre précieuse). Ni le latin populaire ungula (« serre, griffe, sabot, ongle »), dérivé du plus classique unguis.
Ni, une fois de plus, la corne d’abondance indo-européenne à laquelle il faut puiser : on jurerait (o)nogh tout droit sorti de la bouche d’un gonze préhistorique se contemplant le bout de la phalange.
A ne pas confondre avec (zog)zogh : le bout de la quéquette.

 

Et pas la peine de vous moquer des pauvres bougres avec leur panaris tout pas beau : c’est le même mot que notre ongle.
‘Agadez.
A la vue de leur propre panus (« tumeur »), les Latins un chouïa dyslexiques ont déformé l’hellénisant paronychium (littéralement « à côté de l’onyx »).
(’T-y pas charmant ?)

Ajoutons que sans ongles, pas moyen de se gratter correctement, ni d’enlever cette khônnasse d’étiquette.

 

Les filles du sexe féminin, ne gâchez point vos économies au bar à ongles du coin, voire au nail-bar à ongles (pour les cas les plus desperate). C’est pas vos ongles que vos khôngénères regardent.

Merci de votre attention.