Tandis qu’être se voit accorder tout ce qu’il veut en genre et en nombre, avoir n’a qu’un COD qui le précède pour seule pitance. S’il n’y avait que ça ! Avec sa conjugaison pronominale inusitée, avoir se fait avoir sur toute la ligne.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Jamais de pronom réfléchi avec avoir. Zieutez bien, « nous nous avons » et autres monstres brillent par leur absence dans toute la littérature. Il est vrai qu’il faut se lever tôt pour caser « je m’ai » dans la conversation. Idem pour sa suite logique « je m’ai gouré ». Seul
heureusement que je l’ai
a droit de cité. Heureusement qu’on l’a, çiloui-là.
Le malaise culmine au moment de « s’avoir au téléphone ».
La dernière fois qu’ils se sont eus au téléphone,
ont-ils parlé de
la prochaine fois qu’ils s’auraient ?
Ça se saurait. Nos oreilles refusent de l’entendre. Parce qu’on n’a pas l’habitude ou à cause de l’homophonie avec savoir ?
Même employé comme auxiliaire, avoir se fait jarreter sans ménagement :
je l’ai eu au bout du fil
mais
nous nous sommes eus.
De même,
il a descendu une bouteille à lui tout seul
devient
la bouteille qu’il s’est descendue.
S’il a une bonne descente, que ne se l’a–t-il sifflée ?
Bienheureuses les autres langues exprimant la réciprocité à coups d’each other. Mais à supposer qu’on précise « l’un l’autre » ou « mutuellement », ça ne résout que pouic à notre affaire :
heureusement qu’on s’a l’un l’autre.
Vous parlez d’un duo de choc.
Merci de votre attention.