L’Anglais, sûrement pour faire l’intéressant, peut sortir de sa besace once, twice et même thrice s’il tient réellement à se la péter. Mais n’ayant rien formé de semblable sur four, on voit aisément qu’au-delà de trois fois, l’Anglais bute. Par ailleurs, « one time », « two times » et même « three times » existent aussi dans sa langue. Quel être veule, tout de même.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Quand time marque la seule temporalité, fois, lui, ne fait pas fois de tout beu mais feu de tout bois. Outre le moment :
une fois ;
il était une fois,
ce petit mot bien pratique indique aussi la fréquence voire la multiplication :
3 x 7 ?
ainsi que « le fractionnement dans la réalisation d’un processus » :
en 21 fois.
Par ailleurs, on ne compte plus les tournures idiomatiques où fois s’invite sans se faire prier :
des fois que ;
pour une fois ;
non mais des fois ;
plutôt deux fois qu’une.
Petit légume oublié : jusqu’au XIXe siècle, on employait couramment « souventes fois », allant jusqu’à l’écrire « souventefois ». Remettez-le au goût du jour, vous m’en direz des nouvelles. Au cas où vous le jugeriez « tout pourri », parce que je vous connais, dites-vous que l’adverbe susnommé ne l’est pas plus, pourri, que quelquefois, parfois ou autrefois.
Remontons les siècles jusqu’au Xe, où l’on relève « terce vez » en provençal, vé (notez ce v). Deux générations plus tard, on passe à feiz, suivi d’une ribambelle de foiz, foie, feiee, fiee et même foiée, foyé ! On en reste là lorsque, vers 1230, apparaît sous nos yeux ébahis « toutes les fois que ». Ça ne marche pas à chaque fois : on régresse avec « à la foys » trois siècles plus loin. Les y, en ce temps-là, ça yyy allait.
Mais revenons à ce v, foulez-fous ?
Pourquoi a-t-on laissé tomber cette fluide consonne héritée du latin vices, vicata, « tour, succession, changement » (auquel on doit nos vicissitudes et vice versa) ? Té, pour une histoire de phonétique. Dès qu’il a fallu compter « une vez », « deus vez » et suivantes en passant par 5, 7 et 9, v a dû laisser sa place à f de bonne grâce.
Mais rassurez-vous : pour dire fois, l’Espagnol et le Portugais utilisent encore vez de nos jours. Quels peuples ombrageux, tout de même.
Merci de votre attention.