« On est sur… »

 

Si prononcer cette mocheté ne vous a jamais effleurés, vous êtes sur la bonne voie.
C’est d’ailleurs à peu près tout ce qu’il est possible de dire avec le verbe être et la préposition sur : la bonne voie, de bons rails, a contrario une mauvaise pente qui n’est pas votre cas. Ou alors on sort carrément des expressions figées et à vous le choix des armes pour votre complément de lieu : on est sur le toit, la barque, la fille mais en l’espèce assurez-vous qu’elle y consente.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Expliquez-moi comment, d’une expression propre à l’œnologie :

on est sur des arômes de baies rouges ;

on est sur un vin blanc sec mais avec tout de même un beau fruité qui va sur la pêche et la poire

(noter le beau petit doublé) ;

 on est sur quelque chose de long en bouche

(dites, vous êtes bien redescendu de la fille depuis tout à l’heure ?)

… on est maintenant sur un tic verbal qui étend ses tentacules à toutes les luettes de la société ?

Car là où chez les œnologues l’affectation, voire la très légère morgue de cette tournure installe une frontière implicite mais nécessaire entre eux et nous, qui sommes infichus et pour cause de distinguer de la framboise dans du raisin, l’expression sombre dans le ridicule dès lors qu’elle n’est plus parole d’expert :

on est sur un phénomène… ;

je dirais qu’on est sur du 50/50 ;

on est sur un picrate qu’est pas dégueu.

Exit « on a affaire à » ou « on est en présence de », sacrifiés sur l’autel de la concision-pour-faire-genre.

 

Ridicule, disais-je, dont le summum est atteint et même dépassé dans une pub, encore impensable il y a cinq berges.

Mes pauvres choux, nous sommes bien d’accord, le texte débité par l’« expert » a été écrit par un auteur rétribué pour ça. Lequel, mû sans doute par un dernier soubresaut d’amour-propre, doit raser les murs à l’heure qu’il est.

C’est pour un dentifrice :

(noter le beau petit doublé).

 

La bonne nouvelle, c’est que mon dentifrice, y’a pas besoin d’en changer, je le garde. Et ma langue s’en porte pas plus mal.

Merci de votre attention.

 

8 réflexions sur “« On est sur… »

  1. Merci d’avoir relevé et commenté ce petit phénomène. J’ai développé une allergie à l’emploi abusif de cette expression, je songe à rester enfermée chez moi pour ne pas être exposée.
    Ça m’a fait du bien de lire que je n’étais pas la seule à subir.

    • Merci à vous, Lou… mais n’oubliez pas que même dans votre doux foyer, vos postes de télé et de radio retentiront de « on est sur » à intervalles réguliers.
      Sortez, indignez-vous haut et fort, c’est la meilleure solution !

  2. Cette expression m’agace moi aussi, on est « sur un arôme framboise, sur un foie gras poêlé, sur une charolaise tendre et persillée, sur un auteur prometteur » à chaque fois j’ai envie de répondre « à dada sur mon bidet, quand il trotte, il fait des pets!!!! »

  3. Merci… Je finissais par croire être le seul, dérangé par cette affaire de quasi-novlangue. Et l’on me dira que la « pensée unique » n’existe pas…

  4. Ah ! Je me sens moins seul ! Irrité moi aussi par cette « expression » et plus généralement par le flux ininterrompu de tics verbaux qui font « genre » – y compris dans les médias « sérieux ». Et vous auriez aussi bien pu conclure ce billet par une de ces phrases inachevées/déconstruites ponctuées par un… « voilà » supposé signifier une évidente conclusion non formulée par l’absence de pensée (de syntaxe ?) de l’intervenant… Voilà.

  5. Du reste, en œnologie l’expression du genre « on est sur des arômes de baies rouges » ne devrait être utilisée que pour exprimer un caractère imprécisé (ainsi « arômes de baies rouges » s’emploie pour exprimer une tendance, une perception complexe…).

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